Cet article est pour toi Fabien : du fond du cœur, merci !
8 317. C’est le nombre de kilomètres parcourus dans notre vaillante Ford Falcon depuis le départ de Sydney, le dimanche 04 août 2013. En presque deux mois, c’est 9 fois Paris/Nice, 12 fois Nantes/Lyon, 260 fois le trajet de Tours à Chenonceaux, 1 784 fois la dist... OK, j’arrête.
Après avoir traversé l’Outback, nous avons posé les pieds à Darwin hier. Ultime étape de ce road trip en Australie. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il fait chaud dans le Top End.
D’ici peu, Koonshu publiera trois articles : un pour chaque État traversé dans cet incommensurable pays-continent. Le New South Wales tout d’abord, suivi de près par le Queensland et le Northern Territory. Par la suite, je publierai peut-être également une série de photographies. Vous pouvez d’ores et déjà découvrir notre parcours sur la page « L’itinéraire », que je viens de mettre à jour.
Si tout va bien, nous quitterons l’Australie le mardi 22 octobre 2013, soit dans trois semaines. Le temps pour nous de nous séparer de celle qui nous aura amenés jusqu’ici et de préparer le départ vers l’Indonésie.
Aussi, à l’attention de celles et ceux dont les messages étoilés jouent des coudes dans ma boîte mail pour attirer mon attention, sachez que si je semble disparaître parfois — en pleine traversée du désert ou ailleurs — je ne vous oublie pas. Je prendrai d’ici quelques jours le temps de vous répondre, à toutes et à tous.
À très bientôt pour de nouvelles aventures sur La Piste Inconnue.
C’est depuis Surfers Paradise (littéralement « Le Paradis des Surfeurs », en anglais), l’un des districts de la ville de Gold Coast qui est une conurbation australienne située sur la côte est australienne, que je vous écris ces lignes.
Quelques semaines déjà que nous sommes en Australie. Il est grand temps pour nous de vous conter notre arrivée et séjour dans la belle et grande ville de Sydney.
Vol QF46 pour Sydney
Il est 09:00, le mardi 23 juillet 2013, à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. L’heure pour Audesou et moi-même de dire une dernière fois au revoir à toutes les personnes qui nous ont fait l’honneur de nous accueillir dans leur chaleureuse maison durant une semaine. Nous en profitons pour les remercier une nouvelle fois, leur générosité et sympathie resteront à jamais dans les mémoires de La Piste Inconnue.
Il est 13:30 à présent, notre vol QF46 pour Sydney décolle. Nous quittons la Nouvelle-Zélande, pays que nous avons aimé, et le mot est faible. Nous ne refoulerons pas de si tôt la terre du peuple des Maori, et cela nous attriste beaucoup, mais telle est la loi des grands voyageurs : de poursuivre sans cesse leur aventure pour tenter d’étancher leur soif de découverte et de nouveauté, même si sur la route, leur cœur leur crie de rester dans les lieux qu’ils aiment.
Nos regards se portent à présent vers l’ouest et l’Australie, ou nous nous apprêtons a y vivre une nouvelle aventure, bien différente encore une fois de toutes celles vécues auparavant. L’achat d’une voiture est dans les têtes, même si cela semble compliqué sur le papier. Même avant le départ, lors des préparatifs de ce tour du monde, cette idée de réaliser un road trip sur la côte est de l’Australie était déjà évoquée, ce n’était donc pas à quelques jours de sa concrétisation que nous allions changer d’avis et tout abandonner.
En tout, seulement 03:30 de temps passées dans l’avion. Temps relativement court comparé aux 13:00 nécessaires pour traverser l’océan Pacifique entre le Chili et la Nouvelle-Zélande. Tout juste le temps donc de regarder un film : « Die Hard : Belle journée pour mourir ». Film qui nous a fortement déçus, Audesou et moi-même. Il est bien loin de la qualité de la trilogie initiale.
Je recule les heures de ma montre de deux heures, qui m’annonce fièrement 15:00 lorsque notre avion déploie ses aérofreins sur la piste de l’aéroport international de Sydney. Le temps est un peu nuageux, et malgré l’hiver, il fait un petit 15 °C au moins.
Bienvenue en Australie.
Les contrôles aux frontières se passent sans encombres. J’ai même eu le droit à un nettoyage gratuit de mes chaussures de randonnée pour éviter la propagation des algues didymo, du fait de la présence de terre de Nouvelle-Zélande en dessous de mes chaussures.
Tout est parfait, nous pouvons commencer notre aventure australienne et retrouver Sam — qui elle a pris un avion plus tôt dans la journée — dans la chambre réservée quelques jours plus tôt depuis Christchurch.
L’achat d’une voiture en moins de 48 heures, montre en main
Imaginé depuis quelques années déjà, sans doute même avant la préparation de ce tour du monde, le road trip en Australie fait partie de nos rêves à Audesou et moi-même. Il s’agit donc d’un nouveau tournant pour La Piste Inconnue, avec une nouvelle manière de voyager. Après les voyages en bus et un peu en stop en Amérique du Sud, uniquement le stop en Nouvelle-Zélande, voici notre nouveau défi : voyager à l’aide de notre propre voiture, au gré de nos envies, dans l’immense territoire des kangourous.
Pour mener à bien ce nouveau projet, un achat rapide et important s’impose : celui de la voiture. Une nouvelle fois, notre chance légendaire nous a bien aidés, mais pas que. Explications.
Entre Samantha, Audesou et moi-même, aucun de nous trois n’avait acheté une voiture avant ce voyage. Il s’agissait donc d’une grande première pour nous tous. Dans le but d’éviter les mauvaises surprises, nous nous étions renseignés sur les modalités d’achat d’une voiture en Australie, avant même d’y avoir posé le moindre orteil. D’une part pour avoir la confirmation que nous pouvions effectivement acheter une voiture dans ce pays, même en tant qu’étrangers, et d’autre part, pour connaître la procédure à suivre pour acquérir et assurer correctement une voiture.
Cette avance nous a été utile car notre temps était compté à Sydney. En effet, le vendredi 2 août 2013, deux amis de France, Cindy et Renaud, nous ont rejoints pour partager un bout de route avec nous, durant deux semaines. De leur côté, un van était loué par avance pour toute la durée de leur séjour en Australie, il était donc primordial pour nous d’avoir la voiture avant leur arrivée pour être prêts à partir.
De ce fait, dès notre premier jour plein à Sydney, le mercredi 24 juillet 2013, nous étions en ville pour arpenter les rues à la recherche de notre future voiture.
Une bonne chose à noter en notre faveur, nous sommes arrivés en Australie pour acheter notre voiture dans la bonne période. En effet, l’offre est beaucoup plus forte que la demande en ce qui concerne l’achat et vente de véhicules entre voyageurs, car la plupart terminent leur aventure durant l’hiver alors que dans le même temps, peu de nouveaux arrivent. Ceci a pour effet de diminuer les prix des voitures et permet aux acheteurs, comme nous, d’avoir un fort pouvoir de négociation. Cet effet s’inversera à partir du printemps, lorsque les premières vagues de touristes arriveront. Et devinez quoi ? C’est pile la période durant laquelle nous souhaitons vendre notre voiture.
Ainsi, il est permis d’espérer revendre la voiture à un meilleur prix que lors de son achat. La vie est belle.
Nous savons donc que nous sommes en position de force pour réaliser cet achat, il ne reste plus qu’à trouver à présent la voiture qui nous fera vibrer sur les routes australiennes. Plusieurs solutions s’offrent à nous à Sydney, pour dénicher la perle rare :
Se déplacer chez un concessionnaire. Cette solution a l’avantage d’être simple et permet de voir de nombreuses voitures rapidement. Cependant, ceci a un coût, puisque le concessionnaire applique une marge lors de la revente d’une voiture. Il peut s’agir d’une bonne solution de secours, au cas où.
Chercher sur Internet, sur des sites spécialisés ou plus généraux tels que gumtree.com.au, site très populaire dans la même veine que leboncoin.fr en France.
Se rendre dans des auberges de jeunesse et scruter les offres laissées par les voyageurs pour vendre leur véhicule avant leur départ du pays. À Sydney, la majorité des auberges de jeunesse possède un tableau listant toutes les offres. Il peut s’agir donc d’une bonne solution pour lister rapidement plusieurs offres intéressantes. Cependant, les offres obsolètes ne sont pas retirées de ces tableaux, ce qui les pollue d’offres inutiles et limite donc leur intérêt.
Se déplacer au Sydney Travellers Car Market, qui n’est rien de moins qu’une partie d’un des sous-sols d’un parking souterrain, dans lequel des particuliers peuvent entreposer leur véhicule dans le but de le vendre. Cet endroit est donc parfait pour débuter des recherches, car de nombreuses voitures sont exposées chaque jour, avec des prix souvent intéressants, surtout après négociation.
Dans notre cas, nous avons utilisé toutes les solutions exceptée celle du concessionnaire, dans l’optique de maximiser nos chances de trouver la perle rare.
C’est d’ailleurs pendant la recherche dans une auberge de jeunesse que la chance nous a de nouveau souri, lorsqu’un néerlandais arriva dans cette même auberge pour y déposer une nouvelle annonce toute fraîche pour vendre sa voiture. Une aubaine pour nous, surtout que la voiture correspondait à peu près à ce que nous recherchions, c’est-à-dire une voiture classique (pas un 4x4 ou un van), qui soit fiable et sûre.
Son prix de base est relativement cher, 2 900 dollars australiens (environ 2 000 euros), mais en à peine deux phrases et deux minutes d’échanges avec le vendeur, Audesou fait directement descendre ce prix à 2 500 dollars australiens (environ 1 700 euros). Cette voiture commence donc à devenir parfaite pour nous.
Il nous reste à présent à l’observer par nous-mêmes. C’est ce que nous faisons dans la foulée, à peine 15 minutes après avoir entamé la discussion.
Le modèle est une Ford Falcon GLi EL, de l’année 1998, de couleur blanche et de type break. Ce modèle est réputé pour être très fiable et résistant sur le long terme. Il est utilisé par la majorité des taxis de Sydney. Certains disent même que son moteur peut tourner pendant 1 million de kilomètres, s’il est entretenu régulièrement et correctement. Il y a le temps de voir venir donc, puisque cette voiture possède moins de 350 000 kilomètres au compteur pour le moment.
Lors de cette rapide inspection, rien de méchant à signaler, à part le coffre qui ne peut se maintenir ouvert tout seul, le pare-choc de devant légèrement enfoncé et la climatisation qui ne fonctionne pas.
Nous passons du temps en ce jour du mercredi 24 juillet 2013 à discuter avec le vendeur et observer la voiture, d’abord dans la rue, puis dans le marché de voiture situé dans le parking, celui dont j’ai parlé plus haut. Nous sommes séduits par celle-ci, et convenons donc d’un rendez-vous avec le vendeur dès le lendemain matin pour vérifier la voiture de manière plus détaillée, et l’emmener chez un garagiste pour qu’il nous donne un avis d’expert sur la qualité de la voiture.
Les résultats de ces deux tests sont concluants. De ce fait, nous prenons directement la décision d’acheter cette voiture, dès le jeudi 25 juillet 2013, moins de 24 heures après l’avoir vue pour la première fois. Mais ce n’est que le lendemain, le vendredi 26 juillet 2013, que nous achetons officiellement la voiture, après avoir réuni en cash la somme de 2 500 dollars australiens, soit environ 1 700 euros.
Pas de temps à perdre ensuite, tous les papiers liés à l’achat et le transfert de propriété sont faits dans cette même journée. Notre voiture est immatriculée dans l’état de Nouvelle-Galles du Sud, celui où se situe Sydney, et cela à son importance car les règles de changement de propriétaire changent suivant les huit états qui composent l’Australie.
Dans notre cas, il nous suffisait de nous rendre dans un bureau du Roads and Maritime Services — agence publique spécialisée dans la gestion du service routier dans cet état — puis de leur fournir les documents suivant sous 14 jours après la date d’achat du véhicule :
Le formulaire de transfert du propriétaire de la voiture, disponible dans l’agence.
La partie achat du dos de la registration (sorte de carte grise du véhicule) signée par le vendeur et nous-mêmes.
Deux justificatifs d’identité (passeport et carte bancaire).
Un justificatif de domicile (celui de notre chambre à Sydney, même si il ne s’agit que d’une résidence temporaire).
En à peine 48 heures, nous sommes donc devenus les propriétaires d’une Ford Falcon, qui je l’espère, nous fera l’honneur de nous conduire sans encombres jusqu’à Darwin, à plus de 4 000 kilomètres au nord de Sydney, en ligne droite.
Cependant, un dernier point restait à régler : celui des assurances.
Je ne vais pas détailler toutes les recherches effectuées pour sélectionner nos assurances, car cela serait relativement ennuyeux, mais sachez que nous en possédons en tout trois :
Assurance au tiers obligatoire, qui est liée à toute voiture immatriculée en Australie. C’est une assurance qui couvre le conducteur pour les dommages corporels causés à n’importe quelle victime de l’accident, à l’exception du conducteur.
Assurance au tiers pour les dommages matériels, qui assure le conducteur pour les dommages matériels causés par l’accident (voiture, bâtiment, etc.). Notre choix s’est porté sur le courtier d’assurances Don Hutton, qui a l’avantage de proposer un produit spécifique pour des étrangers.
Assurance santé pour couvrir le conducteur des dommages corporels auto-infligés lors d’un accident responsable. Ni notre assurance voyage, ni les assurances citées plus haut ne fournissaient cette garantie très spécifique. Quand on sait qu’une chambre en hôpital coûte parfois 1 000 dollars australiens par jour (environ 700 euros), il nous a donc fallu en sélectionner une pour couvrir ce risque, qui peut malheureusement se produire, et c’est Bupa qui fut l’heureuse élue.
J’espère du fond du cœur que ces assurances ne nous serviront jamais, mais mieux vaut prévenir que guérir comme dirait l’autre.
Les premières visites de nos amis français
Grand événement sur La Piste Inconnue, pour la première fois depuis notre départ, nous avions le grand honneur d’avoir reçu la visite d’amis français, à Sydney, puis sur les routes australiennes. Audesou vous en a déjà parlé, dans son article de présentation des grands moments de l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande. Mais je tiens de nouveau à le souligner tellement c’est un grand plaisir pour nous d’accueillir nos amis dans ce voyage toujours plus fou de jour en jour.
Nicolas
Nicolas fut le premier à avoir fait le déplacement, lors du mercredi 31 juillet 2013. Pas besoin pour lui de venir de l’autre bout du monde depuis la France, puisqu’il est déjà présent sur le territoire australien depuis quelques mois déjà, à Surfers Paradise pour être précis. Et c’est justement dans son appartement, en ce moment-même, que je termine d’écrire cet article. Merci de nouveau Nicolas pour ton invitation dans ton appartement, alors que tu te trouves à des milliers de kilomètres de nous, à Montréal, au Canada, pour terminer ton tour du monde.
1 600, c’est le nombre de kilomètres parcourus en une journée par Nicolas, pour venir depuis sa ville de résidence jusqu’à Sydney, en avion. Il faut croire que l’aller-retour dans la journée ne l’effraie pas, pour notre plus grand plaisir.
Le mercredi 31 juillet 2013 fut donc placé sous le signe des retrouvailles, avec un pique-nique organisé dans un parc pour se poser tranquillement et discuter de tous les événements produits depuis nos départs respectifs de France.
Courte mais excellente journée passée en ta compagnie mon cher Nicolas. Merci encore d’avoir fait le petit déplacement, cela en valait la peine.
Cindy et Renaud
Cindy et Renaud, eux, ont décidé de nous accompagner durant deux semaines. Ils sont venus depuis la France, et ont profité de leurs vacances d’été pour pour s’offrir en notre compagnie un petit road trip en Australie. C’était vraiment avec une énorme joie que nous les avons accueillis le vendredi 2 août 2013, à l’aéroport international de Sydney. Après deux semaines intenses à voyager au gré de nos envies sur les routes australiennes — eux deux dans leur van loué à l’avance, et nous trois dans notre voiture — c’est avec tristesse que nous les avons quittés à Surfers Paradise, lorsqu’ils devaient continuer leur route pour se rendre à Brisbane dans l’optique de prendre leur avion, le dimanche 18 août 2013, pour revenir en France.
Ces deux semaines passées en votre compagnie, Cindy et Renaud, furent excellentes et resteront à jamais dans les mémoires de La Piste Inconnue, croyez-moi.
Merci une nouvelle fois d’avoir fait le déplacement jusqu’ici, pour nous voir et apprécier en notre compagnie une petite partie du territoire australien. J’espère que vous aurez vous aussi de bons souvenirs de votre périple.
En tout cas, nous sommes rassurés, nos amis ne nous oublient pas en France, et cela nous rassure, vraiment.
Une petite visite dans Sydney
Même si nous avons passé presque deux semaines dans Sydney, entre le 23 juillet et 4 août 2013, nous n’avons pas eu le temps de visiter à de nombreuses reprises Sydney. Pour tout vous dire, c’est seulement le jour de l’arrivée de Cindy et Renaud, le 2 août 2013, que nous avons pu apprécier pour la première fois la vue de l’opéra de Sydney et du célèbre pont Harbour Bridge.
Le panorama offert depuis l’opéra est sans doute l’un des plus beau que j’ai pu contempler jusqu’à présent dans ce tour du monde, en ce qui concerne une ville. La mer de Tasmanie, l’opéra, le pont, les bateaux de plaisance, le jardin botanique : beaucoup de beautés concentrées au même endroit, rien à dire, Sydney est une belle ville.
Cette ville est d’ailleurs chargée d’histoire, et cela se voit très rapidement lorsque nous marchons sur ses pavés. Beaucoup de statues de personnes importantes, beaucoup d’églises et bâtiments anciens, tant de choses que nous n’avions plus l’habitude de voir avec la Nouvelle-Zélande, pays relativement jeune.
J’aurais aimé parcourir plus longuement les rues de Sydney, ville la plus peuplée d’Australie avec presque 4,5 millions d’habitants au compteur.
Mais l’appel de l’aventure nous appelait de nouveau. Le dimanche 4 août 2013, il était l’heure pour Cindy, Renaud, Sam, Audesou et moi-même de nous lancer sur les routes australiennes, à la découverte du territoire des kangourous, koalas et autres animaux endémiques à l’Australie.
Il y a neuf mois apparaissaient nos premières traces de pas sur La Piste Inconnue.
Tandis que nous avons quitté Sydney il y a deux semaines et que vous en saurez un peu plus dans les prochains jours, l’heure de dresser une nouvelle fiche pays a sonné. Territoire du bout du monde où l’on compte 8 moutons par tête, paradis des amoureux de la nature, sanctuaire de l’hospitalité et terre de cœur du peuple Maori, la Nouvelle-Zélande est-elle à la hauteur de son image ? Définitivement, oui.
Synthèse de notre aventure, anecdotes et autres conseils aux voyageurs...
Notre parcours
D’Auckland à Christchurch, c’est exclusivement en stop — à l’exception du ferry entre les deux îles — que nous avons parcouru les terres de la Nouvelle-Zélande entre mai et juillet 2013, en suivant la trace suivante :
Auckland.
Ngongotaha.
Murupara.
Te Urewera National Park.
Murupara.
Turangi.
Tongariro National Park.
Turangi.
Mangaweka.
Wellington.
Rarangi.
Marahau.
Abel Tasman National Park.
Takaka.
Kahurangi National Park.
Punakaiki.
Kaniere.
Fox Glacier.
Westland Tai Poutini National Park.
Haast Beach.
Queenstown.
Alexandra.
Oamaru.
Christchurch.
Pour en savoir plus sur notre parcours en Nouvelle-Zélande, consultez la page « L’itinéraire ».
Ce que nous avons apprécié
L’hospitalité des néozélandais.
L’hiver.
Nous réveiller chaque jour à l’autre bout du monde.
Pour en savoir plus sur nos aventures en Nouvelle-Zélande, consultez la catégorie « Nouvelle-Zélande ».
Ce qui nous a interpelé
La propreté des toilettes publiques, partout sur le territoire. C’est en fait assez simple : on y dormirait presque.
Le côté très infantilisant de la société néozélandaise, dans laquelle vous ne passez pas dix minutes sans que l’on ne vous rappelle à quel point il est dangereux d’utiliser un séchoir à main ou que vous pouvez vous tuer en montant l’escalier. La déresponsabilisation y est encore plus manifeste qu’en France. Voire même, encore plus qu’au Royaume-Uni. En découlent un manque de maturité général dans la population néozélandaise, ainsi qu’une tendance au laisser-aller lorsque les choix ne sont pas parfaitement guidés. En Nouvelle-Zélande, il y a ce petit côté « Boh, ça devrait aller, non ? », qui a parfois des conséquences dramatiques.
Le fait que les néozélandais marchent en short quels que soient le temps ou la saison et qu’ils traversent les rivières sans même prendre la peine de garder leurs pieds au sec.
Le fait que la plupart des ponts routiers du pays ne comportent qu’une voie unique, par souci d’économie.
Le très faible espace social accordé aux piétons, en particulier dans les grandes villes.
La lutte sans relâche menée par les néozélandais contre les espèces invasives comme les cerfs ou les opossums. Espèces qu’ils ont pourtant introduites eux-mêmes (cf. la théorie du « Boh, ça devrait aller, non ? » envisagée plus haut).
Le combat déontologique entre les chasseurs et les empoisonneurs.
Le fait qu’une grande partie du territoire soit couverte de poison du type 1080, souvent déversé en quantités invraisemblables à l’aide d’hélicoptères.
Le manque d’histoire et de caractère de la majorité des villes du pays.
Notre budget
Nous avons passé au total 69 jours en Nouvelle-Zélande entre le 16/05 et le 23/07/2013.
Total des dépenses à deux
2 561,81 €
Budget moyen quotidien à deux
37,13 €
Budget moyen quotidien par personne
18,56 €
Cela n’était pas gagné d’avance — surtout après l’achat à Auckland de deux tentes de haute qualité pour un total de près de 1 000 € à deux aux portes de l’hiver — mais lorsque l’on fait le classement croissant du budget moyen quotidien pour tous les pays visités au moment de la publication de cet article, la Nouvelle-Zélande est en troisième position. Troisième, derrière la Bolivie (quasiment hors compétition avec une moyenne de 10,53 € par jour et par personne) et le Pérou (avec une moyenne à peine inférieure de 18,37 € par jour et par personne). Devant l’Argentine, le Brésil et le Chili.
Pour autant, ne vous y trompez pas. Même si voyager sans le sou est possible partout si vous vous en donnez les moyens, le coût général de la vie en Nouvelle-Zélande est comparable à celui du Royaume-Uni, c’est-à-dire un peu plus élevé que le coût de la vie en France.
Si notre budget moyen quotidien est si faible, c’est parce que nous avons fait en sorte de le maintenir sous la barre symbolique des 20 € en moyenne par jour et par personne en utilisant les leviers suivants :
Le seul transport pour lequel nous ayons dépensé de l’argent est le ferry entre les deux îles. Tout le reste a été fait en stop.
Nous avons passé de nombreuses nuits gratuites chez l’habitant.
Pour la majorité du reste des nuits, nous avons toujours trouvé des solutions peu ou pas onéreuses : de la tente à la nuit à la belle étoile en passant par les huttes du Department of Conservation.
Nous sommes devenus maîtres dans l’art de surfer sur les promotions dans les supermarchés.
Nous avons eu une chance insolente.
L’unité monétaire de la Nouvelle-Zélande est le dollar néozélandais ($).
Conseils aux voyageurs
Dans la majorité des villes — même les plus petites — vous trouverez en Nouvelle-Zélande des centres d’informations très bien conçus qu’il est intéressant de visiter à son arrivée. Recherchez les centres d’informations du DOC ou les i-SITE.
Le coût de la vie en Nouvelle-Zélande est élevé, mais vous pouvez réaliser de lourdes économies en jonglant avec les promotions, quotidiennes et véritablement intéressantes, dans les supermarchés.
Même si nous n’en avons que peu utilisé, les backpackers de l’île sont souvent bien trop onéreux au regard du service fourni. Sans parler du fait que leurs prix soient souvent scrupuleusement alignés sur la concurrence. Si vous souhaitez passer la nuit dans une chambre privée et abordable, soyez malin et recherchez les terrains de camping, qui proposent très souvent des cabines au rapport qualité/prix bien plus intéressant que le dortoir de 8 sans petit-déjeuner ni Internet pour 15 euros la nuit.
Si vous optez comme nous pour le vagabondage, sachez que les toilettes publiques gratuites sont présentes partout.
Ne vous aventurez jamais en montagne sans avoir au préalable consulté les prévisions météorologiques. Surtout en hiver.
C’est depuis Sydney que j’écris et publie la seconde partie du récit de nos grands moments en Nouvelle-Zélande. La journée est particulière, consacrée entièrement à l’écriture sur ce carnet de route. Hier, l’ami Nicolas est venu nous retrouver pour la journée depuis Surfers Paradise. Demain, ce sont les amis Cindy et Renaud qui débarquent ici, alors qu’ils doivent actuellement être en plein vol, partis il y a des heures depuis Paris. Ils devraient passer les deux prochaines semaines à nos côtés, sur La Piste Inconnue.
Si cet article paraît interminable, c’est que, cette fois encore, il y en a eu quelques-uns.
Bon voyage.
La rencontre avec Adam à Spring Creek
Après avoir quitté Wellington et l’île du Nord ce matin, nous voici au bord d’une route de Spring Creek sur l’île du Sud, en ce morne après-midi du lundi 17 juin 2013. Quelques heures que nous faisons du stop déjà et, malgré une première course d’une vingtaine de kilomètres sur cette nouvelle île, entre Picton — où le ferry nous a débarqués plus tôt dans la journée — et notre position actuelle, force est de constater que non, ça ne prend pas.
Le moral est bas, maintenu au sol qu’il est par l’isolement, le froid et la pluie incessante.
Comme souvent, c’est au moment où l’espoir commence à décliner que le salut arrive. Il prend aujourd’hui les traits d’un trentenaire néozélandais qui stoppe son pick-up de l’autre côté de la route avant de baisser sa vitre et de m’adresser la parole. C’est insolite, mais si Adam s’est arrêté, c’est pour me demander où il peut se procurer une softshell comme la mienne car il recherche une veste verte sans succès depuis des semaines. Aucunement pour nous prendre en stop, donc. D’autant qu’il file vers l’est et que nous souhaitons partir à l’ouest.
Mais il en faut visiblement plus pour empêcher la magie d’opérer, à nouveau.
C’est avec vue sur l’océan Pacifique, dans le petit village côtier de Rarangi que nous déposons nos sacs ce soir-là, chaleureusement accueillis par sa famille et des amis déjà présents. Premier soir sur cette nouvelle île et — pour la troisième fois déjà depuis notre départ d’Auckland — nous voilà hébergés gracieusement par un Néozélandais rencontré dans la rue.
Tandis que je passe une bonne partie de la soirée à jouer aux échecs contre Adam et son meilleur ami, entre le grondement des vagues et les peaux d’opossums qui sèchent près du feu dans le salon, une kyrielle de pensées me traversent. En fait, celles-là mêmes qui me troublaient quand, depuis le pont du ferry, je quittais l’île du Nord. Aurons-nous autant de chance dans l’île du Sud ?, me demandais-je ce matin. Je réalise soudainement que je le crois, oui. Et cette nuit-là, alors que je médite les yeux vers les étoiles, je repense à l’Alchimiste de Coelho qui disait :
Quand on veut une chose, tout l’univers conspire à nous permettre de réaliser notre rêve.
Ce voyage est extraordinaire.
Le petit-déjeuner des Kareareas
Si nous nous levons aux aurores, le matin du mardi 18 juin 2013, c’est pour retrouver Adam qui nous a donné rendez-vous très tôt. La veille, nous lui avons demandé de nous parler de son métier et, plutôt qu’une réponse rapide, il nous a proposé de nous emmener ce matin jusqu’à son bureau afin de nous montrer en quoi consiste son travail avant que nous ne reprenions le stop vers Motueka, quelques 170 kilomètres plus à l’ouest.
Adam exerce une profession aussi originale que rare. Ancienne et noble, aussi. Tout comme Darbon dans La Horde du Contrevent, Adam est fauconnier.
Bien renseigné aurait été l’éclairé qui l’aurait parié. Quelques dizaines de minutes plus tard, nous voilà tous les quatre à servir le petit-déjeuner de ses protégés, des Faucons de Nouvelle-Zélande, appelés également Kareareas par le peuple Maori. Après avoir fait connaissance, tandis que les faucons se plaisent désormais sur nos têtes, nous avons le droit à un vrai cours d’ornithologie qui nous est dispensé de manière si vivante, qu’encore une fois je me sens obligé de le transcrire ici :
Les Kareareas sont les seuls faucons, et, plus généralement, les seuls oiseaux de proie, endémiques de la Nouvelle-Zélande.
Les rapaces aiment se poster en hauteur. Cela explique pourquoi les faucons de Adam se sentent à l’aise, serres cramponnées sur nos têtes.
Les Kareareas pondent leurs œufs à même le sol, ce qui rend les jeunes faucons très vulnérables aux attaques des prédateurs.
La femelle Karearea est bien plus grosse que le mâle.
Les Kareareas peuvent a priori se montrer très agressifs et n’hésiteraient pas à attaquer un homme pour protéger leur progéniture.
Voltigeurs du ciel particulièrement véloces, les Kareareas chassent les oiseaux en plein vol.
Certains ornithologues les considèrent comme des rapaces menacés.
Suite à cette rencontre qui ne manque ni de piquant ni de caractère, quelques cheveux et poils en moins plus tard, nous reprenons la route, riches de ces nouvelles découvertes.
La rencontre avec Jenn à Havelock
Si, depuis que j’ai amorcé ce voyage, j’ai totalement perdu la notion des jours qui était mienne avant cette nouvelle étape de ma vie, c’est parce que nous vivons souvent plusieurs journées en 24 heures sur La Piste Inconnue. À présent arrivés dans la petite ville de Havelock, nous sommes toujours le mardi 18 juin 2013.
Bien qu’une seule course ait suffit après avoir quitté Adam, nous avons mis quelques heures à parcourir les 25 kilomètres jusqu’ici. Déjà, nous constatons que le stop semble plus difficile dans l’île du Sud : les véhicules se font plus rares. Alors, quand nous nous remettons à tendre le pouce au bord de la route et qu’après seulement dix minutes, une jeune femme arrive seule dans une voiture pleine à craquer, je n’imagine pas une seule seconde qu’elle va s’arrêter pour nous. Et pourtant...
Son prénom est Jenn. Canadienne de 22 ans, elle vit en colocation à Christchurch. Retenez ce détail, on dit qu’il a son importance pour la suite de l’histoire.
Christchurch, ou notre ultime étape sur cette île. Dans un peu plus d’un mois, nous y décollerons pour Sydney après avoir découvert cette ville que l’on dit encore meurtrie par les récents tremblements de terre qui l’ont frappée. Le séisme de 2011, Jenn l’a vécu et elle nous le raconte, de l’intérieur. Hyperactive, passionnée, sympathique et spontanée, elle fait route vers Nelson après être partie depuis la seconde plus grande ville du pays sur un coup de tête la veille au soir. 350 kilomètres plus tard, elle a jugé en nous croisant que tout notre matériel combiné au sien devait bien rentrer dans sa voiture, quand n’importe quelle autre personne n’aurait même pas commencé à y penser. Et elle a visiblement eu raison. Grâce à elle, nous sommes de nouveau en mouvement.
Alors que nous arrivons à Nelson une heure plus tard et que nous lui faisons part de nos plans pour la suite — à savoir : nous diriger vers Motueka pour récolter nourriture et informations avant de débuter dans la foulée notre troisième Great Walk, la Abel Tasman Coast Track —, nouveau rebondissement. Telle une disciple de La Piste Inconnue, elle nous propose de partir vers là où on ne sait pas et de nous accompagner lors de la première journée de marche, le lendemain. Je salue et apprécie cette forme de spontanéité bien trop rare.
C’est donc sous la pluie du village de Marahau, porte d’entrée de la piste que nous entamerons le lendemain, qu’une Britannique, une Canadienne et deux Français s’endorment ce mardi après avoir parcouru près de 140 kilomètres depuis Havelock dans l’après midi.
La troisième Great Walk : Abel Tasman Coast Track
Mercredi 19 juin 2013, nous débutons la Abel Tasman Coast Track.
Cette piste familiale qui longe la côte pendant 54,4 kilomètres est, sur le papier, la plus accessible de toutes les Great Walks. Ce que le papier ne mentionne pas, c’est que la tempête a fait rage ces dernières semaines dans le Abel Tasman National Park, qui est le théâtre de cette randonnée. Des litres et des litres d’eau sont tombés incessamment du ciel et ont imbibé le sol, dévastant totalement certaines parties de la piste qui, sans être franchement impraticable, ne ressemble parfois plus à rien. Sans compter le froid pénétrant, du jamais vu dans cette région.
C’est dans ces conditions que nous évoluons pendant 4 jours — dont un passé seuls et stoïques à l’abri des éléments, à l’intérieur d’une hutte — sur la Abel Tasman Coast Track, entre arbres arrachés du sol avant d’être tombés en travers de la voie et invraisemblables stigmates des récents glissements de terrain. En gardant sur notre gauche la montagne et sur notre droite la mer de Tasmanie, c’est les journées rythmées à la fois par les attaques incessantes de centaines d’escadrons de sandflies et par les traversées d’estuaires à gué dans l’eau glacée que nous avançons, pas à pas.
C’est aussi durant cette marche que je repense à Andrew McAuley, lui l’aventurier, lui dont j’avais suivi l’ultime aventure en 2007 depuis la France, lui qui est finalement selon toute vraisemblance mort il y a plus de six ans à la surface de cette étendue d’eau qui s’étend sous mes yeux. J’ai parfois la sensation particulière de marcher dans un cimetière.
En plein hiver, cette piste pourtant à la base sans caractère — il faut le dire — arrive à mettre notre mental à l’épreuve. Il n’en faut pas plus pour que ce chapitre de notre aventure mérite son titre de « grand moment ».
La découverte de The Langford Store, la rencontre avec Will à Bainham, et les livres qui changent la vie
Sautons à pieds joints dans le temps. Nous sommes désormais le matin du mercredi 26 juin 2013, en pleine route vers notre quatrième Great Walk : la Heaphy Track.
Il convient à ce stade de préciser que derrière « nous », il n’y a plus que deux personnes ce matin-là. Samantha, malade depuis quelque jours, a choisi de rester à Takaka pour reprendre tranquillement des forces dans un backpacker. Rendez-vous est donné plus tard et plus au sud, dans le petit village de Punakaiki, sur la côte ouest, après que nous ayons de notre côté parcouru les 78,4 kilomètres de la Heaphy Track.
Nous avons quitté Samantha très tôt ce matin, tant nous savons que vouloir atteindre l’entrée orientale de cette nouvelle Great Walk dans la journée et en stop — entrée située au fin fond de la Aorere Valley, quasi inhabitée, au bout d’une piste d’une quinzaine de kilomètres qui traverse trois rivières et ne mène que à la Heaphy Track — relève presque du non-sens et qu’il nous faudra être au moins aussi patients que chanceux.
Après déjà deux courses et plus de quarante kilomètres parcourus, nous voilà arrivés vers 09:30 dans le hameau de Bainham, où nous avons été déposés devant une sorte de vieille boutique. Là, un panneau indique que l’entrée de la Heaphy Track n’est plus située qu’à 15 kilomètres. Nous convenons tous les deux de nous y rendre en marchant si nous sommes toujours bloqués ici à 14:00. À cet instant, je sais qu’il nous faudra une chance hors du commun pour obtenir une course à partir de ce point. Ce que j’ignore, c’est que je suis à quelques minutes de la rencontre avec un homme qui me marquera à vie.
La vieille boutique, seule au milieu de nulle part, c’est The Langford Store. Ouverte pour la première fois en 1928. Dans le contexte historique néozélandais, on appelle cela une antiquité. Tandis que nous débutons l’attente, je commence à discuter avec son propriétaire, qui m’explique qu’il fermera ce soir la boutique pour l’hiver, avant de ne la rouvrir qu’au printemps prochain. Nous avons de la chance.
Cet homme, seul derrière son comptoir, c’est Will. Alors que je lui achète de quoi déjeuner, mon guide intérieur qui, comme à son habitude, a déjà tout compris avant que je ne réalise que quelque chose est en train de se produire, m’intime de voir au-delà de son masque de vendeur. Je regarde ses yeux, eux ne portent jamais de masque. Il arbore ce regard calme, profond et clair, que seuls portent les affranchis. Je suis stupéfait tant je sais d’expérience que c’est une rencontre rare. Je ne connais pas cet homme, je ne l’ai jamais rencontré. Je ne l’explique pas, mais je le sais : lui aussi est en quête. En quête de bonté, et de liberté.
En l’espace de quelques minutes, la résonance s’installe quand ce qui a démarré comme un échange superficiel et convenu entre un vendeur et son client se transforme en un dialogue d’une épaisseur et d’une profondeur que l’on pourrait aisément qualifier de rarissime.
Je ne prendrai pas le temps de transcrire ce dialogue qui aurait pu durer des jours, ni celui d’exprimer ici ce que nous avons pu lui et moi comprendre, exprimer, partager ou apprendre ce mercredi matin dans la Aorere Valley. Toutefois, je dépose ci-dessous la liste de six livres que Will me transmet quand, une heure trente plus tard, de nouveaux clients font leur apparition.
Voici la liste des six livres qui ont changé sa vie :
Je ne crois définitivement pas en grand chose. Je ne crois en aucun dieu et encore moins au destin. Pour autant, tout comme Will, je crois que l’on ne trouve jamais un livre, mais que ce sont toujours les livres qui viennent nous trouver, le moment venu.
Peut-être que ces six livres viendront vous trouver, vous aussi.
La dernière course avant la Heaphy Track
Je ne suis pas encore remis de mes émotions lorsqu’un nouveau grand moment fait déjà son apparition.
Les « nouveaux clients » dont je parlais plus haut sont arrivés il y a quelques minutes et se sont arrêtés un instant pour découvrir The Langford Store. Ils comptent ensuite faire demi-tour et repartir vers la côte, bientôt. Deux vans. Une famille. Certains sont australiens, d’autres néozélandais. Tous sont sympathiques. La conversation s’engage.
Un quart d’heure plus tard, l’un des hommes propose de nous conduire jusqu’à l’entrée de la piste, 15 kilomètres plus loin, avant de repartir vers le nord avec le reste de la troupe. D’après les informations que nous possédons, le chemin qui nous sépare de l’entrée de la Great Walk est non seulement une piste caillouteuse, mais nous devrions également avoir à traverser au moins trois rivières à gué. Pas tout à fait le genre de chemins où nous emmènerions un van. Pour autant, après évaluation, l’homme est prêt à tenter le coup. Alors, forcément, nous aussi !
Sans trop le réaliser, il est environ 11:30 quand nous partons pour notre dernière course avant la Heaphy Track.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous avons été bien renseignés. Entre les pierres, les ornières et l’eau, le van en a vu de toutes les couleurs lorsque nous arrivons à destination. Nous sommes heureux d’avoir réussi le défi d’arriver jusqu’ici en stop en une matinée. Jusqu’à ce que, subitement, alors que nous sortons tous du véhicule, ce grand moment devienne un triste grand moment.
L’un des pneus du van est à plat.
L’homme ne se départit pas de son calme. Koonshu est dépité. Je suis dépité. Bref, nous sommes dépités. Tant bien que mal, nous assistons celui qui, sans nous connaître et sans rien nous demander en échange, nous a aidés, dans l’installation de la galette de secours à la place de la roue abîmée. Il nous glisse en souriant : Voilà ce qui arrive quand on veut faire son Bon Samaritain ! Et c’est avec ce même sourire qu’il repart au pas, quelques minutes plus tard, après que nous nous soyons excusés pour la gêne occasionnée.
Nous ne sommes a priori pas directement responsables de cette mésaventure. Pour autant, tandis que je fais mes premiers pas sur la Heaphy Track, ce mercredi 26 juin 2013, j’espère de tout cœur que cet événement n’aura pas une influence trop négative sur sa capacité à venir en aide à des inconnus par la suite.
Tristement inexistante chez la plupart des individus, cette aptitude fragile est à mes yeux tellement importante qu’elle ne devrait jamais être souillée. Parce que, c’est très probable, d’autres inconnus arriveront après nous. Et parce que nous sommes toutes et tous l’inconnue ou l’inconnu de quelqu’un.
Du mercredi 26 au samedi 29 juin 2013, durant quatre jours et trois nuits au cœur du Kahurangi National Park, nous arpentons à deux les presque quatre-vingts kilomètres de cette piste mythique qui débute dans les terres en plein massif pour finir par longer la côte ouest de l’île du Sud, le dernier jour. Partir de la montagne pour arriver à la mer par la seule action de ses pas, ne trouvez-vous pas vous aussi ce concept fascinant ?
Parcourir la Heaphy Track, c’est évoluer à travers 4 écosystèmes différents, des montagnes couvertes de hêtres aux collines brumeuses à perte de vue, et des forêts de Podocarpus à celles, plus rares, de palmiers Nikau. C’est aiguiser sa technique d’allumage du feu de charbon. C’est apprécier d’être isolé loin de tout. C’est éviter les Kéas fauteurs de troubles. C’est s’amuser avec les Wekas chapardeurs. C’est admirer la beauté brute de la nature, si bien mise en valeur par l’aura froide, humide et bleutée de l’hiver. C’est, c’est...
C’est aussi des choses que je ne vous ai pas encore racontées.
Dans la forêt lointaine
Heaphy Track. Premier jour de marche. Toujours cette mémorable journée du mercredi 26 juin 2013.
Après 17,5 kilomètres d’ascension tranquille depuis l’entrée de la piste, nous arrivons peu avant le coucher du soleil à la Perry Saddle Hut, où nous décidons de faire étape. Il doit être seulement 17:00 mais les nuits sont particulièrement longues à cette période de l’année dans l’île du Sud. Longues, et froides. Tandis que, vers 19:30, je me prépare au sommeil, je les entends crier. On ne m’a pas menti. Ils sont là, nombreux, quelque part dans la forêt, à l’ouest. Demain matin, c’est décidé, nous partirons à leur recherche avec Koonshu. Avant que le jour ne se lève.
Même protégés par les murs de la hutte, la nuit a été difficile dans nos pauvres sacs de couchage qui affichent pauvrement une température de confort de 11 °C. À 05:00, alors que le réveil sonne, nous ne trouvons pas la force de nous lever. Pour autant, nous savons que ce jeudi 27 juin 2013 est peut-être le jour de la seule et unique occasion de notre vie. Alors tant bien que mal, à 05:45, nous sommes de nouveau sur la piste.
Nous marchons tout d’abord une vingtaine de minutes sans allumer nos lampes à travers la forêt et la nuit noire. Aucun bruit. Jusqu’à l’instant où nous les entendons à nouveau, à quelques centaines de mètres, quelque part devant nous. Nous allumons nos lampes et avançons de plus belle. Derrière chaque pierre, chaque ombre, chaque silhouette, nous pensons deviner la forme de ceux que nous recherchons avant de voir nos espérances s’effacer dans le faisceau de lumière. Nous les entendons toujours. De plus en plus fort. Nous nous rapprochons. Nous pressons le pas. Mon cœur palpite. Sans m’en apercevoir, je sème Koonshu alors que nous traversons une rivière.
Soudain, notre persévérance paie lorsque l’un d’eux apparaît là — du haut de sa quarantaine de centimètres et pourtant presque invisible dans la pénombre — dix mètres devant moi. L’espace d’un instant, mon cœur semble s’arrêter brièvement. Puis, c’est la décharge d’adrénaline. Test de réalité. Tous mes sens sont en éveil. Je perçois chaque son, chaque odeur, chaque détail. Les yeux écarquillés et les pupilles dilatées comme pour y laisser pénétrer le maximum de lumière, je tente de graver l’instant dans ma mémoire.
Celui que j’observe se met maintenant à bouger lentement. Il va quitter la piste. Je peste intérieurement contre Koonshu qui n’arrive toujours pas et c’est seulement alors que ce dernier fait nonchalamment son apparition. J’aurais dû pester plus tôt. Arrivé à mes côtés, lui aussi voit ce qui est apparu devant nous l’espace d’un instant avant que la silhouette fugace ne glisse sans bruit vers les bois.
La nuit toujours sur les épaules, nous passons ensuite de longues minutes à attendre silencieusement dans la zone, dans l’espoir d’apercevoir à nouveau celui que nous étions venus trouver. Sans succès.
Quelques heures plus tard, nous rencontrons sur la piste un ranger d’une quarantaine d’année fasciné par ce que nous avons à lui raconter. Lui, malgré toute une vie sur l’île, n’en a jamais vu.
C’est un choc pour nous. Nous prenons conscience peu à peu de la magie de l’instant que nous venons de vivre. Je réalise alors que je n’ai pas immortalisé cette rencontre avec mon appareil photo, que je portais pourtant autour du torse. Je comprends que je n’en avais en fait pas l’envie. Sans autres preuves que nos témoignages respectifs, ce grand moment a tout l’air d’une fable. J’entends déjà les compères Sébastien et Clément crier au parjure en noyant ma boîte mail de « Pics or It Didn’t Happen ». Et pourtant les amis, en cette fin de mois de juin 2013, sur la Heaphy Track à l’autre bout du monde, nous l’avons recherché et nous l’avons rencontré.
La rencontre avec Grant à Greymouth et la découverte du lac Kaniere
Laissons passer quelques jours suite à ces événements peu communs, et reprenons le fil de l’histoire le dimanche 30 juin 2013.
Ces derniers jours, nous avons réalisé que nous ne pourrons pas — c’était l’idée de départ — découvrir toutes les Great Walks, car les quatre suivantes (Kepler Track, Milford Track, Routeburn Track et Rakiura Track) sont soit fermées à cause des risques liés à l’hiver, soit trop au sud pour nous permettre de prendre notre avion dans les temps, le 23 juillet 2013 à Christchurch. Sur les conseils d’un australien rencontré à Takaka, nous avons donc opté pour un nouvel objectif : la Copland Track, qui démarre 26 kilomètres au sud du petit village de Fox Glacier.
En route pour cette nouvelle randonnée, nous sommes en pleine session de stop à Greymouth, sur la côte ouest, et voyageons de nouveau à trois, après avoir retrouvé Samantha qui se porte à présent comme un charme. Voilà maintenant tout l’après-midi que nous attendons sous un temps maussade, quand, après plus de cinq heures, un homme s’arrête et nous invite à passer la nuit chez lui.
Ce qui deviendrait presque commun en Nouvelle-Zélande est en fait toujours aussi extraordinaire, et nous en gardons la vive conscience. Depuis notre départ d’Auckland, c’est la cinquième fois que nous sommes invités dans ce pays qui commence à avoir des allures de pays de cocagne.
Grant habite une grande maison de bois au bord du lac Kaniere, dans le petit village du même nom. Le lendemain matin, rebondissement. Alors qu’il doit être 06:30 et que nous sommes sur le départ, il nous annonce que la heavy rain (pluie torrentielle d’une intensité inconcevable) tombe sur la Copland Track, et qu’il serait trop dangereux pour nous de nous y aventurer, car la piste traverse de nombreuses rivières, souvent sans ponts. Alors que nous étions censés ne passer qu’une seule nuit ici, chaque jour, nous scrutons tous ensemble l’évolution de la course des nuages. Grant nous accueille finalement pour huit nuits à Kaniere, entre le dimanche 30 juin et le lundi 8 juillet 2013. C’est le temps qu’il faut pour que le ciel se dégorge d’eau dans cette partie du globe.
Huit nuits. C’est à peine croyable.
Durant cette grosse semaine pluvieuse que nous passons à Kaniere, Grant nous laisse régulièrement seuls chez lui, parfois pour plusieurs jours. Tout comme Evan l’avait fait, plus tôt, dans l’île du Nord. Cette confiance me touche. Beaucoup.
Lorsque Grant n’est pas présent, nous passons du temps à marcher dans les environs
avant de rentrer nous sécher près du feu, nous passons du temps à lire, à écrire, à regarder le DVD de Man vs. Wild que Grant a laissé près de la télévision en partant. Et, c’est surprenant, mais l’activité la plus emblématique de ce séjour chez Grant est et restera toujours pour nous le Monopoly. Au rythme effréné de deux à trois parties par jour au coin du feu, nous passons là des moments hors du temps.
Lorsque Grant est présent, il prend le temps de nous faire découvrir les environs dans sa vieille voiture. Il nous parle de l’histoire de Stanley Graham. De son amour pour sa terre. De ses combats contre ceux qui veulent transformer les berges de son lac en centre touristique. Il nous apprend à lire la météo dans les nuages de la côte ouest, nous parle de survie, de ses expériences passées.
Encore un Homme qui nous a protégé et a veillé sur nous sans nous connaître et sans rien nous demander. Encore un Homme que nous n’oublierons pas.
Le jour du départ de Kaniere, dans mon carnet de voyage, j’écris :
Voyager comporte des risques. Je ne suis pas de ceux qui le nient. Et si le plus grand risque était en fait celui d’aller au-devant de rencontres qui auront un impact durable sur nos vies ? Et si le plus grand risque était en fait d’être confronté sans cesse à de nouvelles idées et d’en arriver à finalement devoir se délester peu à peu de toute forme de déni, quitte à prendre le risque de voir clairement ce que nous sommes ? On ne prend pas ce risque lorsque l’on ne voyage pas. Et si derrière ce risque se cachait l’une de ces choses que je suis venu chercher ?
Le passage à Fox Glacier
Nous quittons Grant et le lac Kaniere aux aurores, le lundi 8 juillet 2013. Et c’est pour rencontrer quelques heures plus tard les sympathiques Californiens Jonathan et Jason alors que nous faisons du stop transis de froid à Hokitika. Ils ont loué un van et sont en vacances une semaine en Nouvelle-Zélande. Ils ont de la place pour nous. Nous partons avec eux.
Déjà, un nouveau chapitre de l’aventure est en cours d’écriture. Tandis que nous roulons vers le sud, toujours sur la côte ouest, je regarde les paysages défiler et cela m’amène à constater à quel point nous plongeons sans arrêt tête la première vers de nouvelles expériences, sans toutefois perdre la volonté d’aller de l’avant. L’être humain est décidément une belle et dangereuse machine, tant il est capable de s’adapter partout.
Nous passons toute une journée avec Jonathan et Jason, avant de nous séparer le lendemain matin, lorsque qu’ils nous déposent aux portes de la Copland Track. Nous sommes alors le mardi 9 juillet 2013.
Entre temps, nous découvrons en leur compagnie le Fox Glacier, qui ramène à nos souvenirs l’Argentine et le bien plus imposant Perito Moreno. Nous prenons également la mesure de la chance que nous avons eue lorsque nous apprenons dans un centre d’informations que la Copland Valley (la vallée où est tracée la Copland Track) était fermée jusqu’à ce jour, et ce, depuis une semaine, à cause du danger représenté par la pluie et les torrents. Enfin, alors que nous faisons le choix de dormir dans un backpacker ce soir-là, j’ai le plaisir immense de tomber par hasard sur le mythique Black Sheep que je souhaitais revoir depuis mon arrivée en Nouvelle-Zélande.
Des moments aussi simples que beaux que inattendus. De grands moments, quoi.
La Copland Track et la rencontre avec Alex et Sam
Le mardi 9 juillet 2013, nous débutons donc notre ultime randonnée en Nouvelle-Zélande. La Copland Track, piste tranquille du Westland Tai Poutini National Park, sur laquelle nous passons deux nuits.
De la Copland Track, je retiens en premier lieu une erreur, qui aurait pu, dans certaines situations, avoir des conséquences dramatiques. Alors que nous passons la première nuit dans la minuscule Architect Creek Hut, lessivés par la pluie qui tombe à nouveau ce jour-là, malgré trois heures de tentatives infructueuses, je ne parviens pas à allumer un feu suffisamment sécurisé pour nous réchauffer. J’ai beau connaître le triangle du feu sur le bout des doigts et avoir allumé des centaines de feux dans ma vie, je n’y arrive pas, faute de n’avoir pas su cette fois trouver un allume-feu suffisamment sec dans cet environnement humide où même la hutte prend l’eau.
« On trouve toujours de l’allume-feu suffisamment sec pour faire brûler du bois mouillé, quelle que soit la situation ! », c’est ce que je pensais car je l’avais vérifié partout jusqu’à présent. Eh bien, la Nouvelle-Zélande m’a fait comprendre que je me trompais. Ce mardi, alors que nous n’avons pas d’autre choix que de patienter durant plus de 13 heures dans nos sacs de couchage en attendant le lever du jour, je décide de toujours intégrer désormais un allume-feu sec à mon équipement de survie.
Malgré le coup dur de la veille, le moral remonte vite le lendemain tant la marche dans cette vallée est grandiose. Le soleil est revenu. Et nous nous apprêtons à vivre une nouvelle rencontre, pour le moins magique.
Le soir du mercredi 10 juillet 2013, nous arrivons à la Welcome Flat Hut dans la neige. Là, nous rencontrons un couple de Néozélandais, Alex et Sam. Après seulement cinq minutes d’échanges, ils nous proposent de ressortir de la vallée avec eux le lendemain. Et de nous déposer à Queenstown, après une étape d’un soir dans la maison du père de Sam, qui habite le minuscule village de Haast Beach.
Depuis l’entrée de la vallée, Haast Beach est à plus de 120 kilomètres. Auxquels s’ajoutent plus de 200 kilomètres jusqu’à Queenstown. En plus d’une belle rencontre, nous gagnons en l’espace d’un instant la certitude d’une nuit au chaud et d’une course qui nous permettra de passer de l’autre côté des Southern Alps, dont la traversée en stop nous effrayait un peu. Une course sur deux jours, jusqu’à présent du jamais vu sur La Piste Inconnue.
Le jeudi 11 juillet 2013, nous quittons la Copland Track heureux, le cœur et l’esprit légers.
Chacun sa technique
Fin d’après-midi du jeudi 11 juillet 2013, nous sommes invités pour ce qui est désormais la sixième fois par des locaux. Rituel hivernal, à peine arrivé dans la maison de son père à Haast Beach, Sam annonce qu’il va nous allumer un feu et nous offre par la même occasion un nouveau grand moment.
Triplement sensible suite à la mauvaise expérience de l’avant-veille, je suis très attentif et sa technique m’intrigue. Sans un mot, il commence par empiler les bûches dans le foyer. Puis, il sort à l’extérieur pour chercher de quoi allumer le feu. Je patiente. Au moment où il repasse la porte, c’est la stupeur. Il revient avec un lance-flammes.
C’est l’histoire de la vie. Quand certains crèvent de froid car ils ne réussissent pas à enflammer du bois mouillé, d’autres n’y vont pas par quatre chemins et démarrent un feu avec des bûches qu’ils embrasent au lance-flammes. Non mais !
Chacun sa technique, hein.
L’avant-dernière course
Si je m’attarde un instant sur cette avant-dernière course avant de raconter la dernière, c’est qu’elle vaut elle aussi son pesant d’or et qu’elle mérite sa place ici.
Mardi 16 juillet 2013, nous sommes déposés vers 12:00 à Ashburton, à environ 90 kilomètres de Christchurch. Toujours à la force du pouce. L’espoir d’arriver dans la deuxième plus grosse ville du pays le soir même est bien présent. Tandis que je pars déposer quelques déchets dans une poubelle, une femme dans un pick-up s’arrête au niveau de Samantha et Koonshu. Elle peut nous déposer à Rakaia, une trentaine de kilomètres plus loin. Si près du but, même de petites courses nous conviennent. À cent à l’heure, nous partons avec elle. Sur le plateau du pick-up.
Fermement calé, en observant les conducteurs qui nous suivent, je mesure à quel point l’environnement et la pression sociale jouent un rôle important dans notre perception du monde. Ce qui était devenu peu à peu une habitude pour nous en Argentine, au Chili ou en Bolivie — voyager sur le plateau d’un pick-up — est ici considéré comme une offense à la loi, l’ordre et la sécurité. À raison ou non, là n’est pas la question. Toujours est-il que toutes celles et ceux qui nous ont croisés ce jour-là nous ont pris pour des fous. Et que, de mon côté, j’ai senti mourir peu à peu la sensation de liberté ressentie de manière si intense en Amérique du Sud sur une pareille monture.
La liberté et la sécurité siègent sur les plateaux opposés d’une même balance et se regardent en chiens de faïence. Le tout sécuritaire révoque toute forme de liberté. Et qui dit liberté absolue dit anéantissement de la notion de sécurité.
À méditer.
La dernière course
Elle travaille pour Interpol et j’ai presque envie de l’embrasser. L’émotion est grande vers 13:30, ce même mardi 16 juillet 2013. Elle, c’est la femme qui nous a accordé la dernière course de 60 kilomètres jusqu’à notre destination finale depuis Rakaia. Cette fois-ci, nous réalisons tout de suite ce que nous venons d’accomplir.
Nous venons d’arriver en plein centre-ville de Christchurch.
Sept semaines plus tôt, nous avions pris la route avec le défi un peu fou de traverser les terres du pays exclusivement en stop. Tout défile. L’île du Nord, l’île du Sud, toutes nos rencontres, tous nos souvenirs. Nous sommes exténués mais heureux. Je ressens exactement la même sensation de bonheur que celle éprouvée lors de notre arrivée à Ushuaïa, alors que nous étions partis en stop depuis Puerto Madryn trois jours plus tôt, en décembre dernier.
Nous l’avons fait.
La rencontre avec les colocataires de Jenn à Christchurch
Toujours le mardi 16 juillet 2013, toujours dans le centre-ville de Christchurch.
Là où La Piste Inconnue est merveilleuse, c’est que — non contents d’être arrivés à destination et d’avoir réussi notre défi — nous serons accueillis dans quelques heures par les colocataires de Jenn. Rappelez-vous, Jenn, la jeune femme canadienne rencontrée en stop un mois plus tôt, le mardi 18 juin à Havelock, et qui habite à Christchurch. Bien qu’elle soit désormais en Afrique pendant un mois, elle nous a invité chez elle pendant une semaine, jusqu’au mardi 23 juillet 2013, le jour de notre départ vers Sydney.
Nous sommes accueillis comme des rois ce soir-là, et finissons notre voyage en Nouvelle-Zélande de la plus belle des façons.
La soirée artistique et le pantomime
Chaque jour passé dans cette maison où évoluent un nombre inappréciable de personnes à la personnalité riche, car affirmée et singulière, signe le début d’une nouvelle histoire. Voici l’une d’elle, érigée au titre d’avant-dernier grand moment.
Nous sommes le mercredi 17 juillet 2013 au soir. Lendemain de notre arrivée à Christchurch. Tandis que je suis en train de traiter mes mails que je n’avais volontairement jamais consultés depuis mon départ d’Auckland — une expérience que je vous recommande, cf. à ce propos le livre « J’ai débranché » de Thierry Crouzet ainsi que toutes les réflexions qui ont précédé et qui ont suivi, à lire avec du recul —, Bazi, le talentueux colocataire musicien, arrive dans notre chambre. Samantha est absente, Koonshu en train de lire dans la pièce. Il nous propose de l’accompagner à une « soirée artistique ». Une soirée artistique en Nouvelle-Zélande, je ne sais pas ce que c’est. Je suis occupé, je n’ai absolument pas le temps. Mais je suis curieux, alors, accompagné de Koonshu et de deux Américaines, je décide de le suivre.
« Allons-y, on verra bien ! »
Nous rencontrons à cette soirée un homme d’une trentaine d’années qui se réclame ouvertement artiste, mais que le bon sens qualifierait aisément d’étrange. Il s’exprime dans un langage particulièrement soutenu et enroulé et se déplace avec un style que je ne saurais nommer : est-ce une forme rare d’élégance ou le comble du ridicule ? Tout de violet vêtu, tout le monde l’appelle Mr. Purple. Je cherche une quelconque référence avec les personnages du film Reservoir Dogs de Quentin Tarantino. En vain. Dans tous les cas, il ne passe pas inaperçu.
Lorsque nous apprenons avec Koonshu qu’il ne porte que du violet depuis ses 4 ans suite à sa rencontre avec un chanteur habillé de cette même couleur lorsqu’il avait cet âge, le mystère s’épaissit.
En fin de soirée, alors que nous nous apprêtons tous à rentrer et que je classe l’affaire sans suite, Mr. Purple, qui a maintenant le visage peint tel Pierrot, nous demande de l’espace ainsi que quelques minutes d’attention. Tous les invités restants — c’est-à-dire une douzaine — reculent alors contre les murs afin de lui laisser suffisamment de place au centre du salon. Nous n’avons aucune idée de ce qui va se produire. Une forme de tension sourde s’installe dans le silence pesant. C’est alors qu’une musique se fait entendre.
Soudain, son talent se déploie et nous cloue instantanément tous à terre.
Les pièces du puzzle se mettent en place et tout s’explique enfin. Entre nos yeux et Christchurch dont les lumières sont visibles à travers la baie vitrée, Mr. Purple vient de se transformer en un remarquable pantomime à tendance contorsionniste et nous offre dans ce salon un numéro digne du Cirque du Soleil.
Nous restons bouche bée durant les quelques minutes que dure l’époustouflante prestation. Après une standing ovation bien méritée, c’est un peu sous le choc que nous rentrons toutes et tous, en plein milieu de la nuit, ce matin-là.
Décidément, certains savent bien cacher leur « je ».
La route vers l’Australie
Je ne ressens que peu de choses tandis que je quitte la Nouvelle-Zélande pour l’Australie, en ce début d’après-midi du mardi 23 juillet 2013. C’est rare. Presque nouveau. Alors que je m’envole depuis Christchurch jusqu’à Sydney, alors que je change de pays et que mon tour du monde avance, alors que je viens de passer plus de deux mois exceptionnels, je me sens vide, absent. Presque mélancolique. Mon corps se déplace au-dessus des nuages, tandis que mon esprit vagabonde je ne sais où.
Je crois qu’à cet instant précis la très forte excitation que je ressens à l’idée de découvrir l’Australie contrebalance parfaitement la très forte peine que je ressens à l’idée de quitter la Nouvelle-Zélande, et de laisser derrière-moi à jamais une autre partie de mon aventure, encore une fois extraordinaire.
Le regard en arrière, le regard en avant
Cette expérience sur Aotearoa, le pays du long nuage blanc, aura marqué nos corps et nos âmes. Tout au long de ces deux longs articles, j’espère avoir su vous faire voyager. J’espère aussi avoir su toucher vos consciences, et que le poids de mes mots ne sera pas vain mais vous aidera à passer à l’action, quelle qu’elle soit.
Écrire ces textes m’aura permis de réaliser beaucoup de choses, mais aura également fait naître de nouvelles questions. Notamment : après toutes ces aventures, suis-je toujours cet homme qui a quitté Auckland fin mai 2013 ? Et qu’en est-il de celui qui a quitté Paris début novembre 2012 ?
Sur ce, je lève les yeux de l’écran. Et je vois... l’Australie.
L’appel aux curieux lancé dans le dernier article n’a pas fait se lever les foules et c’est tant pis. Partis en stop depuis Auckland il y a près de deux mois, nous voilà désormais de retour sur les ondes depuis Christchurch, d’où nous décollerons le mardi 23 juillet 2013 pour Sydney et l’Australie, après avoir réussi la traversée du pays des kiwis.
L’hiver néozélandais ? Eh bien, nous y avons survécu !
Nouvelle expérience éditoriale, je fais le choix de diviser le récit de cette aventure en deux articles, un pour chacune des deux îles principales, à commencer par l’île du Nord où nous avons atterri le mardi 16 mai dernier. Et de ne me concentrer que sur les grands moments. Il y en a eu quelques uns.
La première partie est donc sous vos yeux. La seconde, pour l’instant dans ma tête. J’espère que vous prendrez autant de plaisir à découvrir ce qui a été la suite de nos aventures depuis Auckland que nous avons eu de frissons à les vivre.
Une note, toutefois : afin de pouvoir publier ce papier avant de décoller pour Sydney, les images qui illustrent cet article ne sont pas des photos en bonne et due forme, mais des captures de vidéos issues de la GoPro de Koonshu. Navré pour la qualité, je prendrai peut-être le temps de développer et publier de vraies photographies de la Nouvelle-Zélande plus tard. Voyons tout d’abord comment ce récit sera reçu.
À toi, celle ou celui, qui arrivera au bout de cet article et de son pendant qui suivra : merci d’être toujours là...
Les débuts à Auckland
Après plus de six mois en Amérique du Sud, c’est ici que notre aventure en Nouvelle-Zélande commence, le jeudi 16 mai 2013.
Auckland, c’est la ville de la découverte de ce nouveau territoire qui s’offre à nous. De la découverte d’un nouveau peuple. Ô joie, pour la première fois depuis des mois, nous perdons les étiquettes d’étrangers qui nous collaient au front, au moins jusqu’à ouvrir la bouche !
Auckland, c’est également la ville où nous préparons pendant près de deux semaines notre aventure et où nous décidons finalement de relever le défi d’envoyer tout l’équipement non nécessaire à Christchurch, d’où nous nous envolerons pour l’Australie le mardi 23 juillet 2013, et de parcourir les terres du pays exclusivement en stop, tentes fraîchement achetées sur le dos. C’est aussi le lieu où nous retrouvons Samantha quelques jours après notre arrivée, où nous avons le droit à une maison pour nous tous seuls et où nous nous empiffrons de sushis, étonnamment bon marché dans ce recoin du globe.
Nous gardons un bien beau souvenir de notre passage ici, malgré des journées de sombres doutes. La sympathie des Néozélandais — qui, non, n’est pas un mythe — y est sans doute pour beaucoup.
Dans mon carnet de voyage, la veille de notre départ depuis la plus grande ville de Nouvelle-Zélande, j’écris que le confort est un piège vicieux qui engourdit lentement les corps, les esprits et les consciences. Je mesure la quantité de détermination et de courage dont il nous faudra faire preuve pour oser sortir du cocon douillet où nous avons vécu ces derniers jours, grâce à l’hospitalité débordante de l’amie Lina et celle de sa mère Alicia.
Le lendemain, qui est aussi le mercredi 29 mai 2013, nous sortons sous la pluie légère et claquons derrière-nous une porte qui ne se rouvrira plus. Nous dépassons nos peurs et nous reprenons la route vers l’aventure. Vers le sud. Vers l’hiver. Vers l’inconnu.
La première course
En théorie, il est très difficile de sortir du cœur d’une grosse ville en stop. Surtout à trois. Surtout avec une quinzaine de kilos chacun sur le dos. La première course qui nous a permis de sortir de l’emprise de la cité, première petite victoire, est donc un grand moment.
Tenter le stop passif dans ces conditions est illusoire. En pleine ville, nous nous postons à un feu au niveau d’une voie d’accès à la State Highway 1, qui part vers le sud, et démarrons le stop actif en sollicitant les conducteurs susceptibles de nous accueillir. Un quart d’heure plus tard, sans vraiment le réaliser, nous sautons dans l’habitacle confortable d’une Subaru Impreza et démarrons sur les chapeaux de roues avant de filer vers le sud à toute vitesse, conduits par un sympathique Néozélandais qui nous offre sans le savoir notre premier ticket pour l’aventure.
Le premier réveil à Ngongotaha
Nous sommes le matin du jeudi 30 mai 2013, et nous nous réveillons à Ngongotaha — petit village sis une dizaine de kilomètres au nord de Rotorua — où nous avons passé la nuit après un total de 6 courses et plus de 200 kilomètres depuis notre départ d’Auckland, la veille.
Il a fait -4 °C cette nuit.
Nos tentes, montées à l’abri des regards, sont givrées. Alors que je tente d’ôter la couche de glace avec un chiffon, ce dernier se charge d’eau et devient solide comme une pierre après quatre minutes. Un homme passe, et nous annonce que le pire hiver depuis 30 ans arrive. Je serre les dents. Pas un mot n’est échangé. Instant de doute. Comme à chaque fois, je me dis que ce défi est peut-être cette fois-ci trop ardu et hors limite. J’ai peur d’entraîner Koonshu et Samantha vers des épreuves que nos corps autant que nos esprits ne pourront pas supporter. Je repense au confort dont nous jouissions la veille à la même heure.
C’est à la fois un grand moment et un dur réveil sur La Piste Inconnue.
La rencontre avec Damien, Sam et Cecilia à Murupara
Midi du jeudi 30 mai 2013, même journée. Après deux courses en stop, nous débarquons de manière totalement inopinée à Murupara, nous qui nous dirigeons vers le théâtre de notre première Great Walk, Lake Waikaremoana.
Alors que nous descendons tout juste du pick-up, nous faisons la connaissance de Damien, un très sympathique globetrotteur français amoureux de lettres et de nature, qui partage la même vision du voyage que nous. Le courant passe immédiatement. Puis, coup sur coup, celle de Sam et Cecilia. Trois rencontres en rafale, qui viennent quasi instantanément s’ancrer en lettres d’or dans l’histoire de La Piste Inconnue.
Une heure plus tard, nous sommes tous ensemble invités à partager un repas de fish and chips dans l’église de Sam. Plus fort encore, nous sommes invités ce soir en compagnie de Damien à passer la nuit gratuitement dans l’une des maisons de cette même église car c’est tous les quatre que nous avons décidé de repartir pour le lac le lendemain.
Cet après-midi, je le passe à écouter Sam me parler de son parcours de vie. Presque incroyable, mais jugez donc par vous-même : Maori de cœur et de sang ; mastodonte tatoué ; sourd de naissance ; il entend pour la première fois puis apprend à parler à 8 ans alors qu’un cri déchire ses tympans, celui de sa mère qui le défend sous les coups de son père, honteux d’avoir mis au monde un fils handicapé ; puis, c’est la spirale de la moquerie et des humiliations avant celle de la drogue et de la violence ; jeune adulte, il devient alcoolique, voleur de voitures et maître de gang ; jusqu’au jour où sa vie change radicalement lorsqu’il s’apprête à lever la main sur sa femme le lendemain d’une nuit arrosée, et que son fils de deux ans l’en empêche ; par un concours de circonstances très particulier, il comprend subitement l’origine de sa souffrance interne et choisit à compter de ce jour de consacrer tout son temps et son énergie à aider autrui ; rapidement, il monte une église chrétienne catholique, et c’est là que nous nous intervenons, à Murupara.
Quant à Cecilia, vieille femme Maori, au parcours de vie cryptique tout comme Sam, elle est ce genre de femmes dont on dit qu’elle est la bonté et la générosité incarnée. Et cela est déjà beaucoup.
Alors que nous souhaitions rejoindre le lac dans la journée, nous passons donc finalement avec plaisir une nuit à Murupara en nous réchauffant grâce au four et aux plaques de cuisson. Pour la première fois en Nouvelle-Zélande, nous sommes hébergés par des hommes et des femmes qui étaient le matin même de parfaits inconnus pour nous.
Nous sommes partis la veille, et à ce stade, la Nouvelle-Zélande vient déjà à mes yeux de gagner sa place sur le podium de La Piste Inconnue, aux côtés de l’Argentine et de la Bolivie.
Le stop à 4
Le lendemain, nous sommes le vendredi 31 mai 2013, et nous avons donc décidé de partir avec Damien en direction du lac Waikaremoana afin de marcher quelques jours ensemble à quatre. D’après nos informations, cette route est très peu empruntée car elle se transforme en piste sinueuse après quelques kilomètres. Sans compter que nous sommes maintenant huit : quatre sacs et quatre voyageurs.
Nous nous préparons à une attente longue et difficile.
Qu’à cela ne tienne ! Sous les premiers rayons du soleil, nous débutons le stop, en nous séparant en deux groupes de deux le long de la route. Le froid est mordant. Après seulement une demi-heure, l’incroyable se produit. Une femme — seule — s’arrête à mon niveau. Un échange rapide, une demande, un temps d’évaluation et une réponse plus tard, et cette femme Maori met à terre tous les statisticiens du monde en invitant quatre étrangers inconnus dont trois hommes dans son véhicule alors qu’elle s’apprête désormais à rouler une centaine de kilomètres loin de tout.
Nous passons deux heures en sa compagnie, à rire, stimulés et heureux que nous sommes toutes et tous d’avoir osé la confiance, et à apprendre toujours plus de la culture Maori, qui nous était totalement inconnue il y a quelques semaines.
La première Great Walk : Lake Waikaremoana
C’est grâce à cette jolie rencontre que nous pouvons débuter dès le 31 mai 2013 notre première Great Walk : Lake Waikaremoana. Arriver si tôt ici était inespéré, le périple s’annonce bien. Nous sommes déposés juste à l’entrée de la piste, et démarrons une heure plus tard après une pause déjeuner sous un soleil magnifique qui peine à réchauffer l’air très frais. Le temps est idéal pour passer quelques journées à l’extérieur.
La marche dans la forêt vierge qui environne le lac est accessible, agréable et originale. J’en suis surpris, mais au final, nous voyons très peu le lac. Avant l’arrivée de l’homme sur l’île, la majorité du territoire était a priori recouverte de forêts semblables, qui ne ressemblent en rien à ce que j’ai pu croiser jusqu’à présent en Europe ou ailleurs. J’ai parfois l’impression de marcher dans un studio de cinéma tellement ce que mes sens perçoivent me paraît irréel. Je réalise soudain que toute forme de forêt vierge en France a probablement disparu, ainsi que la chance que j’ai de toucher ces Podocarpus immenses et de sentir l’odeur humide et suave de la mousse qui les entoure. Sans parler des fougères, omniprésentes en Nouvelle-Zélande, au point d’en être devenu l’emblème.
Parcourir une terre naturelle où l’on ne reconnaît rien est une expérience rare et étrange. Durant ce trek, j’éprouve la même sensation de désorientation que celle ressentie lors de l’arrivée au Brésil en novembre dernier, lorsque je découvrais alors pour la première fois de ma vie le ciel étoilé de l’hémisphère sud, et que j’apprenais à m’orienter avec la Croix du Sud et à faire le deuil temporaire de Alpha Ursae Minoris, qui a longtemps guidé mes pas nocturnes.
Nous passons au total trois nuits sur cette piste de 46 kilomètres, entre le vendredi 31 mai et le lundi 3 juin 2013.
Durant la première nuit, nous dormons pour la première fois dans une hutte du Department Of Conservation très bien équipée, et faisons la rencontre d’une vingtaine de jeunes, qui, même s’ils n’en ont pas l’air, sont en plein cours de sport. Partir marcher des jours en pleine nature, voilà qui m’aurait bien plus fait vibrer à l’époque que de courir vingt minutes en boucles stupides autour d’un stade, marcher sur une poutre ou faire du cheval d’arçons !
Le deuxième soir, une fois toutes les tentes montées, j’allume un petit feu pour notre équipe de quatre, quand de grosses voix en provenance du lac m’interpellent. La nuit tombée, petit feu est devenu véritable brasier et ses flammes dépassent les deux mètres, alimenté qu’il est par trois pêcheurs néozélandais particulièrement sympathiques qui mettent un point d’honneur à le charger de combustible autant qu’à partager leur repas avec nous. En Nouvelle-Zélande, ce sont visiblement des arbres entiers que l’on fait brûler. Dont acte !
Tandis qu’il gèle dehors, il doit faire au moins 35 °C à trois mètres du foyer.
Une fois la marche terminée, nous décidons tous de revenir en stop à Murupara pour y passer une nouvelle nuit ainsi que retrouver Sam et Cecilia avant de repartir dès le lendemain vers le sud.
La rencontre avec Denise à Turangi
Une nouvelle fois, nos plans ont changé.
Nous sommes désormais le matin du jeudi 6 juin 2013. Après avoir passé une semaine avec nous, Damien a quitté Murupara la veille, et c’est un peu tristes que nous l’avons salué une dernière fois. De notre côté, si nous y sommes toujours, c’est parce que Sam nous a proposé de patienter jusqu’à ce jeudi dans l’une de ses maisons à Murupara. Il part vers Turangi aujourd’hui, et peut nous y conduire. Devant le mauvais temps qui fait rage depuis notre retour à la civilisation et la générosité de son offre qui nous permet de passer du temps avec les locaux, nous avons accepté sa proposition.
C’est donc près de 150 kilomètres plus loin, à Turangi, au sud du lac Taupo, que nous nous apprêtons de nouveau à planter nos tentes dans la nuit froide, ce soir-là. Quand, une nouvelle fois, se produit un événement extraordinaire.
Tandis que Samantha et Koonshu cuisinent sur le bord d’une route de campagne, je pars chercher un lieu où planter nos tentes, car les sites trouvés jusqu’à présent pourraient éventuellement faire l’affaire, mais ne sont pas exempts de défauts. À mon retour, de l’eau de cuisson ou de Koonshu, je ne sais plus très bien deviner qui est en ébullition à travers la nuit noire. Ce dernier m’annonce médusé qu’alors qu’ils cuisinaient tranquillement, une Néozélandaise qui passait là en voiture s’est arrêtée à leurs côtés. Très vite, elle a proposé de repasser dans une heure et de nous héberger tous les trois pour la nuit. Je suis sans voix.
Elle s’appelle Denise, elle est encore une fois Maori et, comme promis, elle est de nouveau présente quelques dizaines de minutes plus tard. Nous finissons de manger chez elle. De la rue, nous passons à la chambre avec chauffage et à la maison avec douche. De sans domicile fixe, nous devenons invités. Dans la maison, quelque part, sa nièce et son fils, tous deux plus jeunes que moi. Nous ne les verrons que très peu, ce jeudi soir. Un instant plus tard, Denise repart pour la nuit au chevet de son père malade, en ville. Je comprends qu’elle ne dormira même pas ici.
Son geste profondément intuitif et altruiste bouleverse totalement certains de mes piliers moraux, et soulève en moi de très douloureuses questions. J’ai l’objectif aussi naïf que clair et avoué de devenir jour après jour un homme bon, juste et libre, mais aurais-je été capable de faire de même ? Très probablement, mais pourtant devant le doute je tremble un peu. Et si je n’étais pas aussi bon et généreux que je ne le pense, serais-je capable de l’admettre sans risquer l’effondrement mental ? À 24 ans, alors que le geste de cette femme vient se déposer avec le poids infini des choses simples sur la pile de toutes mes expériences passées, je réalise subitement que la bonté et la générosité doivent par définition être sans limites pour être authentiques. Et que l’on ne devrait pas se contenter d’un niveau suffisant si tant est que l’on aspire à devenir meilleur chaque jour.
Et puis, il y a ce texte, dont l’auteur est apparemment inconnu, qui est placardé en grand sur le mur de l’entrée :
Today we have bigger houses and smaller families. More convenience, but less time. We have more degrees, but less common sense. More knowledge, but less judgement. We have more experts, but more problems. More medicine, but less wellness. We spend too recklessly, laugh too little, drive too fast, get angry too quickly, stay up too late, read too little, watch TV too much, and pray too seldom.
We have multiplied our possessions, but reduced our values. We have learned how to make a living, but not a life. We have added years to life, not life to years. We have taller buildings, but shorter temples. Wider freeways, but narrower viewpoints. We spend more, but have less. We buy more, but enjoy it less. We have been all the way to the moon and back, but have trouble crossing the street. We have conquered outer space, but not inner space. We have split the atom, but not our prejudice. We write more, but learn less. Plan more, but accomplish less. We have learned to rush, but not to wait. We have higher incomes, but lower morals. We are long on quantity, but short on quality.
These are times of fast food and slow digestion. Tall men with short character. More leisure, but less fun. More kinds of food, but less nutrition. Two incomes, but more divorces. Fancier houses, but more broken homes.
That is why you should promise that as of today you do not keep anything for a special occasion because every day you live is « a special occasion ». Search for knowledge, read more, sit on your front porch and admire the view without paying attention to your needs. Spend some time with your family and friends. Eat your favourite food, and visit the places you love. Life is a chain of enjoyment, not only about survival. Do not save your best perfume, use it everytime you want to. Beware of phrases like « One of these days ... » and « Someday ... » ! Let’s write those letters we thought to write one of these days. Let’s tell our family and friends how much we love them. Do not delay anything that adds laughter and joy to your life. Every day, every hour, every minute is special and you never know if it will be your last ...
Soit, en français :
Aujourd’hui, nous avons des maisons plus grandes et des familles plus petites. Plus de confort, mais moins de temps. Nous avons plus de diplômes, mais moins de bon sens. Plus de connaissances, mais moins de jugement. Nous avons plus d’experts, mais plus de problèmes. Plus de médicaments, mais moins de bien-être. Nous dépensons n’importe comment, rions trop peu, conduisons trop vite, nous fâchons trop rapidement, restons debout trop tard, lisons trop peu, regardons trop la télévision, et prions trop rarement.
Nous avons multiplié nos possessions, mais amenuisé nos valeurs. Nous avons appris à gagner notre vie, mais pas la vie. Nous avons ajouté des années à la vie, pas de la vie aux années. Nous avons de plus grands bâtiments, mais des temples plus petits. Des autoroutes plus larges, mais des points de vue plus étroits. Nous dépensons plus, mais possédons moins. Nous achetons plus, mais apprécions moins. Nous avons parcouru tout le chemin jusqu’à la lune et en sommes revenus, mais nous avons du mal à traverser la rue. Nous avons conquis l’espace, mais pas notre espace. Nous avons divisé l’atome, mais pas nos préjugés. Nous écrivons plus mais apprenons moins. Préparons plus, mais accomplissons moins. Nous avons appris à nous dépêcher, mais pas à attendre. Nous avons des revenus plus élevés, mais moins de vertus. Nous sommes champions pour la quantité, mais pas pour la qualité.
De nos jours, c’est restauration rapide et digestion lente. C’est le temps des grands hommes à la petite personnalité. De plus de loisirs, mais moins d’amusement. De plus de types de nourriture, mais moins de nutrition. De deux revenus, mais de plus de divorces. Des maisons plus fantaisistes, mais des ménages brisés.
C’est pourquoi vous devriez promettre qu’à partir d’aujourd’hui vous ne gardez rien pour une occasion spéciale parce que chaque jour que vous vivez est « une occasion spéciale ». Recherchez la connaissance, lisez plus, asseyez-vous sous votre porche et admirez la vue sans prêter attention à vos besoins. Passez du temps avec votre famille et vos amis. Mangez votre plat préféré, et visitez les endroits que vous aimez. La vie est une chaîne de plaisir, pas seulement une question de survie. N’économisez pas votre meilleur parfum, portez-le chaque fois que vous le voulez. Méfiez-vous des phrases comme « Un de ces jours... » et « Un jour... » ! Mettons-nous à écrire ces lettres que nous avons pensé à écrire un de ces jours. Disons à notre famille et nos amis combien nous les aimons. Ne remettez pas au lendemain ce qui ajoute du rire et de la joie dans votre vie. Chaque jour, chaque heure, chaque minute est unique et vous ne savez jamais quand arrivera la fin...
Ces pensées envahissent jusqu’à mes rêves lucides, cette nuit-là.
La deuxième Great Walk : Tongariro Northern Circuit
Le matin du vendredi 7 juin 2013, nous avons la chance de retrouver le beau temps et de débuter notre deuxième Great Walk depuis Whakapapa Village, au cœur du Tongariro National Park : Tongariro Northern Circuit.
J’attends énormément de cette randonnée, que nous avons failli retirer de nos plans suite à de trop nombreux avertissements nous indiquant que la zone est particulièrement dangereuse en hiver. Imaginez un circuit de 4 jours autour du majestueux mont Ngauruhoe, qui vous regarde du haut de ses 2 291 mètres. 43,1 kilomètres à parcourir sur un terrain qui change à chaque étape entre plaines, collines, passage alpin relativement engagé, volcans et lacs aux reflets verts ou bleutés. Si le mont Ngauruhoe ne vous dit rien, sachez qu’il s’agit ni plus ni moins de la Montagne du Destin dans le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. Bref, sûrement aussi ardu qu’excitant.
Nous sommes maintenant le deuxième jour, et pour la première fois depuis le début de l’aventure, j’envisage sérieusement l’abandon de la randonnée lorsque nous nous retrouvons subitement tous les trois sur une crête enneigée en plein blizzard, avec un risque élevé de chute sur la pente verglacée en cas d’erreur, sans piolets ni crampons. Même si notre expérience nous rend un peu moins vulnérables, nous savons que tenter le circuit sans équipement d’alpinisme à cette période de l’année comporte des risques. Quinze minutes avant, dans une cuvette, j’annonçais en plein soleil à Koonshu qu’au regard de la topographie du lieu, les conditions climatiques pouvaient changer du tout au tout en un instant et qu’il nous fallait être très vigilants à compter de ce point. Après évaluation, nous choisissons de continuer puis réussissons à progresser malgré tout sur ce passage technique heureusement très court. Et c’est pour être récompensés par des paysages à couper le souffle de l’autre côté.
Le soir, je m’endors avec ces mots d’un alpiniste rencontré alors que je n’étais encore qu’enfant, et qui m’ont marqué à vie : Celui qui croit pouvoir surpasser la montagne est déjà mort, il n’y a que lui qui ne le sait pas encore..
Encore une fois, nous avons eu de la chance. Le troisième jour, alors que nous avions franchi l’unique passage alpin la veille, la pluie et la neige tombent intensément sur le circuit, rendant probablement ce dernier impraticable, sans équipement d’alpinisme adapté, jusqu’au printemps prochain.
Depuis que mes mains se sont éloignées du sol, je marche beaucoup, tout le temps, par toutes saisons et sur tous terrains. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai été ému aux larmes en contemplant ce que notre admirable planète recèle de merveilleux. Pour autant, cette randonnée de 4 jours, dans les conditions hivernales où nous l’avons réalisée, est à ce jour la plus belle expérience en trek de ma vie.
Rien que ça.
Le stop avec Daryl et la découverte du Chateau Tongariro
Nous sommes le lundi 10 juin 2013 quand nous terminons notre deuxième Great Walk. De retour à Whakapapa Village, d’où démarre et finit le Tongariro Northern Circuit, nous retrouvons Daryl.
Je me rends compte que j’ai oublié de vous en parler, plus tôt.
Daryl, c’est l’homme que nous avions rencontré quatre jours auparavant alors que nous faisions du stop pour rejoindre Whakapapa Village depuis Turangi, où nous dormions chez Denise. Il travaille au Chateau Tongariro. En nous accueillant dans son véhicule, il nous avait proposé de nous ramener chez cette dernière une fois la randonnée terminée. Et il tient parole, mais il n’est pas tout à fait prêt au moment où nous le retrouvons. Il nous demande de l’attendre dans le hall de l’hôtel. Mais après quatre jours de marche, nous sommes crottés jusqu’aux oreilles, alors nous n’osons pas passer la porte d’entrée. C’est sans compter le groom, qui est apparemment au courant que Daryl a des invités, et qui nous interdit de rester dehors dans le froid !
Cinq minutes plus tard, nous sommes assis au chaud devant l’âtre de l’immense cheminée du hall de l’un des bâtiments les plus chargés d’histoire de l’île du Nord. Un peu gênés, mais très touchés, nous touchons l’instant. Au chaud.
L’origine du Ka mate
Le soir du lundi 10 juin 2013, notre journée est déjà bien remplie : après un réveil dans la dernière hutte, nous avons terminé le Tongariro Northern Circuit en revenant à Whakapapa Village, sommes restés au chaud quelques heures dans le centre d’informations, puis y avons visité le Chateau Tongariro avant de retrouver Daryl, qui nous a de son côté ramenés à Turangi où nous sommes désormais de nouveau chez Denise pour une nuit avant de partir vers le sud le lendemain. C’est bon, vous pouvez respirer.
Alors que nous nous apprêtons à nous coucher, très fatigués, le fils de Denise arrive dans la maison. Nous restons finalement près de deux heures à parler avec lui dans la cuisine, tant ce qu’il a à nous transmettre est passionnant. Son accent est particulièrement lourd, et j’ai parfois du mal à le comprendre. Il nous apprend que le fameux Ka mate (le haka popularisé par l’Équipe de Nouvelle-Zélande de rugby à XV, les fameux All Blacks) est né dans les environs au XIXe siècle, nous parle de l’importance cruciale de la terre et de la généalogie pour les Maoris, et évoque le fonctionnement des tribus et des clans. Il est touché de se sentir écouté par des étrangers. C’est un grand moment, encore une fois inattendu.
Nous nous endormons épuisés, mais riches, cette nuit-là.
Un peu de house sitting chez Evan
Le lendemain, mardi 11 juin 2013, nous débutons le stop avec pour objectif d’être à Wellington dans deux jours. Seuls 322 kilomètres séparent Turangi de la capitale du pays, la route est directe, cela nous paraît largement dans nos cordes.
Après une première course qui nous emmène jusqu’à la ville militaire de Waiouru, juste en face du National Army Museum, nous tendons de nouveau le pouce sur le bord de la route. Après seulement 10 secondes — littéralement — la première voiture à nous croiser s’arrête à nos côtés. À l’intérieur, deux sympathiques militaires qui partent pour Napier, vers l’est. Pas dans notre direction, nous refusons la course. Une minute plus tard, un vieil homme et son chien font halte à notre niveau dans une grosse camionnette rouge et l’un d’eux nous adresse la parole. J’ai déjà vu cet homme : il vient de nous dépasser, quelques instants plus tôt. Il a fait demi-tour pour nous. Il roule jusqu’à la prochaine ville au sud, nous partons avec lui.
Il s’appelle Evan, et est en pleine tournée de livraison de nourriture pour chiens dans les environs, avec son compagnon Jack. Lorsque, devant la pluie qui bat, il nous propose de venir passer la nuit chez lui, c’est un nouveau grand moment sur La Piste Inconnue.
Le soir même, tandis que nous sommes tous au chaud auprès du feu à déguster un repas offert par notre nouvel ami, Evan nous annonce qu’il doit se déplacer à Auckland dans deux jours pour un enterrement. Même si elle y reste, l’eau me monte aux yeux car je pressens ce qui va suivre. Avec la pudeur d’un vieil homme solitaire, il nous demande si nous souhaitons rester trois jours de plus afin de garder sa maison, s’occuper de Jack et des moutons. C’est la troisième fois que de parfaits inconnus nous proposent de partager leur toit en Nouvelle-Zélande.
Avant de nous coucher, nous discutons tous les trois afin de prendre une décision éclairée. D’un côté, nous arriverons bien plus tard que souhaité à Wellington si nous faisons le choix de rester, de l’autre, depuis le premier jour nous portons la volonté féroce de voyager hors des sentiers battus et d’aller au contact des cultures et des territoires que nous traversons. Certes, nous passerons sûrement moins de temps que voulu initialement dans l’île du Sud, mais voilà quelques mois que j’ai compris que l’on ne devient grand voyageur que le jour où le temps n’est plus une excuse ou une contrainte, et que l’on ne verra jamais tout.
Le lendemain matin, nous acceptons, au grand bonheur de tous. Nous passons ensuite la journée du mercredi 12 juin 2013 tous ensemble, à suivre Evan dans sa tournée. Son départ vers Auckland intervient très tôt dans la nuit du jeudi matin. Son retour est prévu vendredi 14 juin 2013, dans l’après-midi.
Un peu effrayante car à flan de falaise, la situation de la maison n’en est pas moins magique. Le matin, nous nous réveillons dans la brume qui donne à cette vallée un côté presque surnaturel. Devant nos yeux, des collines peuplées de moutons à perte de vue, typiquement l’image que l’on se fait de la Nouvelle-Zélande depuis le Vieux Continent.
La Piste Inconnue n’a pas fini de nous faire voyager. C’était peu probable, mais ce jeudi 13 juin 2013, nous voilà donc seuls dans la Kawhatau Valley, perdue dans la campagne à l’est de Mangaweka, à faire du house sitting. C’est comme cela que les anglophones appellent le fait de garder et tenir une maison en l’absence de ses propriétaires. Entre nourrir les moutons, se promener avec Jack, cuisiner, lire et nettoyer, nous ne nous ennuyons pas au milieu des paysages verdoyants, forgés par la pluie quotidienne.
Le samedi 15 juin 2013, après quelques jours hors du temps, Evan nous dépose à nouveau sur la State Highway 1. Le soir, nous arrivons sous la pluie battante dans le centre de Wellington après trois courses, et nous payons pour la première fois depuis notre départ d’Auckland un backpacker, pour les deux prochaines nuits. La sensation est très étrange. Dans cette ville, les backpackers ressemblent à de petits hôtels bon marché, et nombreux sont ceux qui semblent y habiter à l’année.
Je ne me sens pas à ma place dans cet environnement. Et pourtant, à cet instant, nous sommes fiers de ce petit exploit, même si nous avons la conscience inaltérable que nous ne le devons pas qu’à nous.
Le Te Papa
Si nous prenons deux nuits à Wellington, c’est parce que tout le monde nous a conseillé d’aller visiter le musée Te Papa. Ce dernier, en plus d’être visiblement très intéressant car il livre des informations culturelles concernant la totalité du pays, a en plus l’avantage séduisant d’être gratuit !
Nous y rentrons le matin du dimanche 16 juin 2013, pour n’en ressortir que le soir. Alors, Te Papa, extraordinaire ? Non. Ridicule ? Non plus. Même si nous en apprenons beaucoup ce jour, ce musée est une sorte de gros patchwork qui épuise l’esprit à force de tout faire pour annihiler toute linéarité et où il est parfois difficile de comprendre le message transmis.
C’est probablement le plus petit des grands moments vécus sur l’île du Nord. La visite du Te Papa reste pourtant incontournable si vous passez un jour de ce côté du monde.
La route vers l’île du Sud
C’est alors que derrière la nuit arrive le petit matin du lundi 17 juin 2013. Nous sommes en route vers l’île du Sud pour un ultime grand moment sur cette première île.
Tandis que je contemple l’île du Nord s’éloigner peu à peu depuis le pont du ferry qui relie les deux îles principales, je revis mentalement les expériences des dernières semaines. Je suis heureux, de tous les transports que nous ayons empruntés dans l’île du Nord, ce bateau est le seul pour lequel nous ayons déboursé un centime. Nous avions pour défi de parcourir les terres du pays exclusivement en stop, afin de vivre une expérience intense et mémorable, et ce défi est déjà à moitié atteint. Je suis heureux donc, et fier de voyager ainsi, comme je l’ai toujours rêvé.
Je me demande tout de même comment notre expérience dans l’île du Sud pourra rivaliser avec ce que nous avons vécu sur cette première île. C’est fou, mais nos tentes achetées une fortune n’ont quasiment pas été utilisées depuis que nous avons pris la route. La faute à l’hospitalité hallucinante du peuple du bout du monde. Tant pis, l’une des tentes est déjà amortie grâce à toutes les économies réalisées. Aurons-nous autant de chance dans l’île du Sud ? Je l’espère, car l’hiver se fait de plus en plus pesant.
C’est dans ces moments que l’on ressort habilement la devise de La Piste Inconnue qui va bien : « Allons-y, on verra bien ! ».
Ainsi s’achève l’article consacré aux grands moments de notre périple d’un mois sur les terres hospitalières de l’île du Nord de la Nouvelle-Zélande.
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