La Terre est ronde
Publié par Audesou, le 18 juin 2014 à 18:44
C’était écrit entre les lignes du dernier article publié en ce lieu. Quelque chose se rapproche inéluctablement, qui me semble encore bien irréel. Pour la première fois de son histoire, la date de retour de La Piste Inconnue est connue.
Dans une dizaine de jours, si tout va bien, en même temps que mes adieux au fabuleux Népal, je ferai mes derniers pas d’étranger sur cette piste que je chéris. Le lendemain — soit le dimanche 29 juin 2014 — Oman Air et son vol WY 0133 devraient me déposer à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, me permettant ainsi de retrouver le pays qui m’a vu naître. Celui-là même qu’un matin de novembre 2012, je quittais à 23 ans, quand je porte aujourd’hui un quart de siècle sur les épaules.
La fin du voyage ?
En 2011, Orelsan livrait La Terre est Ronde et affirmait :
Au fond, je crois que la Terre est ronde pour une seule bonne raison. Après avoir fait le tour du monde, tout ce qu’on veut, c’est être à la maison.
Longtemps, j’y ai cru. Ou ai voulu y croire. Il y a quelques années, lorsque je commençais à préparer ce tour du monde sans date de retour, je m’imaginais naïvement qu’après une telle expérience, ma soif de voyage et d’aventure serait enfin étanchée et que je ne rêverais plus que d’une tranquille sédentarité bien méritée.
À quelques pas du terme de cette extraordinaire épopée, ma réalité est autrement complexe et nuancée.
Ça veut dire qu’on continue ?
À la question As-tu encore envie de continuer à voyager ?
, ma réponse est Oui
.
Même scénario lorsque l’on me demande Sais-tu toujours t’émerveiller face à ces situations auxquelles tu assistes, ces paysages que tu contemples, toutes ces choses dont tu es le témoin ?
, Trouves-tu encore en toi la force de continuer à avancer ?
, Parviens-tu à réinventer chaque jour une raison de te lever ?
, Éprouves-tu toujours autant de plaisir à échanger avec les Hommes que tu rencontres sur ton chemin ?
, Continues-tu à apprendre chaque jour ?
, As-tu la sensation d’avoir de nouvelles choses à découvrir ?
, Disposes-tu des moyens financiers suffisants pour prolonger ce voyage encore longtemps ?
, Portes-tu toujours le poids parfois insoutenable du doute ?
, etc.
Oui
à nouveau, pour chacune de ces questions, donc.
Et — quelque part — heureusement.
Mais alors, pourquoi avoir décidé de rentrer ?
Parce que j’ai enfin fini par (re)découvrir les raisons qui m’ont poussé à partir. Parce que je suis arrivé au bout d’une quête. Parce que mes mentors m’ont appris qu’avoir le courage de porter le point final est au moins aussi important que de savoir oser le premier pas. Parce que je ressens le besoin de protéger du sceau du passé cette merveilleuse histoire. Parce qu’avec l’expérience acquise au fil des mois, voyager est devenu de plus en plus facile, signe, s’il en est, qu’il est grand temps pour moi de relancer les dés et de sortir à nouveau de ma zone de confort. Parce que je n’ai jamais été de ceux qui ont tout balayé derrière eux en partant, et qui, illusionnés par leur ego, ont fini par se perdre. Parce que je suis arrivé à un stade de mon voyage où ne pas rentrer, au moins pour un temps, serait tourner le dos à une partie de celles et ceux que j’aime. Parce que des longs voyages, si la vie m’en laisse le temps, il y en aura bien d’autres.
Parce que mon intuition m’a fait comprendre que le moment était venu.
Et parce que ne pas la respecter serait aller à l’encontre de ce que je suis.
Et maintenant ?
Si La Piste Inconnue arrive à son terme, sachez qu’elle n’a pas encore dit son dernier mot.
D’autres articles devraient arriver prochainement. Je pense à la fiche-pays du Népal, à quelques papiers concernant le bilan financier de cette aventure, éventuellement à des articles traitant de l’aspect psychologique du retour. Il se pourrait également que je vous parle ici de certains de mes nouveaux projets, le moment venu. Curieuses et curieux de tous horizons, ne fuyez donc pas les lieux.
En attendant, le retour arrive à grands pas, et je tente de m’y préparer au mieux, en savourant mon dal bhat quotidien au moins autant que les sourires des Népalaises. Après avoir passé plus d’un an et demi sur la route — dont les sept derniers mois entre le Sri Lanka, l’Inde, et le Népal — j’ai compris peu à peu que le choc culturel le plus violent qu’aura ultimement connu La Piste Inconnue sera probablement celui lié au retour dans mon pays d’origine.
Saurai-je m’inventer une nouvelle vie, une fois ce voyage dans mon dos ? Parviendrai-je à ne pas oublier tout ce dont je me suis souvenu et tout ce que j’ai appris durant cette aventure ? Serai-je seulement capable de m’adapter à un tel bouleversement ?
L’idée de faire le dernier pas sur La Piste Inconnue me fait peur, parfois. Et je saisis aujourd’hui pourquoi certains voyageurs n’osent jamais revenir parmi celles et ceux qu’ils avaient choisi de quitter. Après un certain temps passé sur la route, le vagabondage devient une seconde nature, et envisager ne serait-ce que la possibilité d’un retour finit par demander plus de force que continuer à aligner les pas droit devant.
Cette force, qui me permet désormais de rentrer, après m’avoir aidé chaque seconde à oser suivre ma voie et à ne jamais me perdre, elle m’a été transmise par tous ces gens que j’aime et qui ne m’ont jamais oublié.
Je l’ai puisée également dans la vibrante devise de La Piste Inconnue, que je me dois de porter ce jour une dernière fois haut et fort, elle qui m’aura tant aidé à aller de l’avant et à traverser toutes les épreuves qui ont parsemé mon chemin ces vingt derniers mois.
Alors voilà, arriverai-je à retomber sur mes pattes, moi qui ai déjà utilisé quelques vies ?
Allons-y, on verra bien !
Déjà 5 traces de pas sur ce bout de piste :
1. Cindy, le 25 juin 2014 à 17:03
2. Flefle, le 27 juin 2014 à 12:02
Je partage cette joie !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
3. Audesou, le 2 juillet 2014 à 07:58
@Cindy, Flefle : Ah ah ! Hâte de vous retrouver également, les amies. :-)
4. Yann, le 11 juillet 2014 à 06:44
Ha ! Quel texte.. .
« Parce que j’ai enfin fini par (re)découvrir les raisons qui m’ont poussé à partir. »
« Parce que mes mentors m’ont appris qu’avoir le courage de porter le point final est au moins aussi important que de savoir oser le premier pas. »
« Parce que je suis arrivé à un stade de mon voyage où ne pas rentrer, au moins pour un temps, serait tourner le dos à une partie de celles et ceux que j’aime. »
Ton texte me rejoint beaucoup, apres plus d’un an passe sur la route, apres avoir atteint le quart de siecle, je suis arriver a une conclusion semblable.. et pour la premiere fois je connais la date de mon retour, dans moins d’un mois. Pas que mon pays natal me manquait tant que cela, mais.. :
« Parce que mon intuition m’a fait comprendre que le moment était venu. »
Malgre tout, il y a quelque chose de tres effrayant et une certaine tristesse en imaginant ce fameux retour, cette liberte que l’on laisse derriere nous.. Mais il faut rester positif, realiser toute la chance qu’on a eu d’avoir le courage de partir a l’aventure, et que...« les seules barrières sont dans nos têtes »
Tiens nous au courant de ta readaptation ;)
5. Audesou, le 6 août 2014 à 11:02
Yann,
Merci pour tes bons mots.
Quelques semaines après le retour, je suis en train d’atterrir, peu à peu. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la réadaptation « physique » ne m’a pas pris plus de quelques dizaines de minutes, au point que je me demande parfois si je suis vraiment parti si longtemps. L’ajustement émotionnel et mental, quant à lui, est toujours en cours. Même si tout va très bien, je sens beaucoup de choses bouillonner en moi. On verra où cela aboutira.
Et toi, comment se passe le retour ?
Du bonheur,
OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !!! Nous t’attendons de pied ferme !
Hâte de te retrouver, à très vite !
Cindy & Renaud