La ruelle

Publié par Audesou, le 30 décembre 2013 à 09:13

Samedi 14 décembre 2013. Il y a deux jours, un peu par hasard, j’ai débarqué à Ipoh, la ville la plus septentrionale de mon périple en Malaisie. Je ressors tout juste d’une semaine réparatrice passée dans la fraîcheur humide et nuageuse des Cameron Highlands. Semaine féerique, dont je tairai finalement sur ce carnet de route les aventures inoubliables et les rencontres magiques. Au moins pour un temps.

Ipoh, c’est l’une des plus grandes villes de Malaisie. Une ville riche, intéressante, une ville à facettes. D’aucuns y voient tantôt une capitale culinaire, tantôt un joyau d’architecture coloniale préservée. Les amateurs du cinéma d’action asiatique seront ravis d’apprendre qu’il s’agit du lieu de naissance de l’actrice Michelle Yeoh. Quant aux amateurs d’autres types d’actions asiatiques, ils savaient bien avant que je ne le découvre que la ville est l’un des plus importants foyers de prostitution de toute la péninsule. En vérité, je vous le dis, il y aurait matière à rédiger bien des papiers sur Ipoh. Et pourtant, je n’éprouve aucune envie de venir rapporter ici l’un de ces sujets. Aujourd’hui, mon intérêt est ailleurs.

En ce samedi matin ensoleillé, ma logeuse m’a conseillé la visite du Perak Tong, un temple bouddhiste creusé à même la roche, situé à quelques kilomètres au nord de la ville. Je suis donc en route. À pied. Je marche le long de l’une des principales rues de la ville en tentant plus ou moins adroitement de ne pas tomber dans les nombreux pièges tendus sous mes pas par les trottoirs malaisiens, jamais prévisibles, toujours sournois. Soudain, mon attention est attirée par une scène entraperçue du coin de l’œil. Je tourne la tête sur ma gauche. Là-bas, à quelques dizaines de mètres de ma position, un homme est en train de peindre le mur d’une ruelle parallèle.

Je décide d’aller à sa rencontre.

Il s’appelle Eric Lai. À 27 ans, cet enfant du pays est artiste peintre. Suite aux premiers échanges, je prends quelques pas de recul sur la scène qu’il vient tout juste de terminer. À cet instant, Eric ne sait pas que, si j’aime la photographie, je suis en revanche à peu près aussi sensible à la peinture qu’au carriérisme. Ce qu’il ne sait pas non plus, c’est qu’à travers ses peintures qui racontent une Malaisie vécue de l’intérieur, l’enfance et les instants volés, il vient de réussir à me toucher.

Est-ce dû aux circonstances de cette rencontre fortuite, au caractère souvent espiègle des scènes représentées ou tout bonnement à la grandeur de son talent ? Je l’ignore. Toujours est-il que, face à certains de ses tableaux, je comprends soudain que la peinture peut dégager autre chose qu’une odeur de vernis.

Me voilà qui remonte brusquement en arrière. Il y a une petite vingtaine d’année. Au temps des bandes de copains, où chacun tentait la négociation perdue d’avance avec ses parents, pour être le premier dehors et surtout pas le premier rentré. C’était le temps où nous avions toujours officiellement terminé nos devoirs avant de les avoir commencés. Celui où nous étions parfois dix-neuf, parfois trois, jamais seuls. Celui où la rue nous appartenait et devenait un immense terrain de jeu. Celui où notre territoire s’étendait peu à peu au fur et à mesure que les années défilaient, lentement. En ce temps, d’un buisson, nous faisions un château fort, et d’un vieux bidon, un moyen de nous déplacer. Fiers comme des princes sur nos petits vélos, il ne serait venu à l’esprit d’aucun d’entre nous de s’arrêter un jour sans faire monter dans l’air un nuage de fumée, dans un grand dérapage qui laminait nos pneus au grand dam de nos géniteurs. Nous ne baissions la tête que lorsque nous croisions les « grands ». Ceux qui avaient plus de 12 ans et qui se moquaient de nos chaussures à lampes. C’était aussi le temps des premières amours et des visages écarlates à la vue du regard des filles. C’était enfin le temps où l’on prenait son courage à deux mains et où l’on se déplaçait encore pour sonner aux portes.

Tout comme aujourd’hui, c’était le bon temps.

Je n’oublie jamais d’où je viens. Ni à qui ou à quoi je dois ce que je deviens. Cette pensée me suit, m’accompagne, chaque jour, en arrière-plan. Tandis que je marche dans cette ruelle, Eric et ses peintures ramènent cette pensée en pleine conscience et me font réaliser brusquement tout le chemin parcouru depuis le temps des jeux d’enfants jusqu’à cette ville de Malaisie dont j’ignorais tout.

Avant de le quitter, je demande à Eric pourquoi avoir choisi ce lieu pour exprimer son talent. Avec toute la simplicité du monde, il m’explique que c’est dans ces ruelles qu’il s’est construit, et que le fait que les gens les évitent aujourd’hui le peine, beaucoup. Avec ses peintures, Eric fait le pari d’interpeler les passants et de les amener à réaliser que l’on trouve également de la vie lorsque l’on ose s’aventurer hors des sentiers battus.

En ce samedi matin ensoleillé, Eric Lai l’a gagné, son pari.

La ruelle #1
La ruelle #2
La ruelle #3
La ruelle #4
La ruelle #5
La ruelle #6
La ruelle #7
La ruelle #8
La ruelle #9
La ruelle #10
La ruelle #11
La ruelle #12
La ruelle #13
La ruelle #14
La ruelle #15
La ruelle #16
La ruelle #17
La ruelle #18
La ruelle #19
La ruelle #20
La ruelle #21
La ruelle #22
La ruelle #23
La ruelle #24
La ruelle #25
La ruelle #26

Déjà 2 traces de pas sur ce bout de piste :

1. channy, le 28 septembre 2014 à 00:33

quelques commentaires
Au hasard vous auriez du visiter Taiping,1 heure de route et cela vaut le détour autant que Ipoh sinon plus
Les cameron highlands désolé mais c est a chier..complétement degradé par le tourisme de masse, des prix abusifs, une bouffe infecte..faites la route Kota kinabalu-sandakan et vous verrez que les cameron higlands c est minable à coté..mais bon tous les guides de voyage en parle donc inutile de chercher ailleurs puisqu on vous dit que c est la que vous devez aller
@ « ils savaient bien avant que je ne le découvre que la ville est l’un des plus importants foyers de prostitution de toute la péninsule. »
Dommage que vous ne développiez pas justement je suis certain que vous m auriez fait beaucoup rire...il n y pas plus de prostitution à ipoh qu’à KL..il faut arrêter de dire des conneries. ;il y a des villes qui ont un bien plus gros problème qu ipoh sur ce sujet

On peut voir beaucoup de ces tags à Ipoh et je me posais des questions à leur sujet, merci pour les explications
@« Une ville riche, intéressante, une ville à facettes. D’aucuns y voient tantôt une capitale culinaire, tantôt un joyau d’architecture coloniale préservée »
Oui,oui et oui..mais hélas dirigé par un maire « tocard » qui ne fait rien pour promouvoir sa ville. ;beaucoup de bâtiments coloniaaux tombent en ruine et tout le monde s en fichent..c est encore pire dans l arrière pays. ;si seulement comme penang, Ipoh recevait un label world heritage..
Ipoh possède un vrai marché de nuit, un vrai marché aux puces tous les dimanches...certes on aura l impression d une ville ennuyeuse mais Ipoh est très agréable à vivre.
Le bon coté de Ipoh c et que les beaufs occidentaux n y mettent quasiment pas les pieds(( par contre ils ont envahis penang)
Pour votre gouverne personnelle sri maju bus..appartient au père de Michelle yeoh
En conclusion j aime Ipoh

2. Audesou, le 19 octobre 2014 à 15:45

Hello channy,

Et merci pour le complément d’information qui aidera peut-être de futurs lecteurs de La Piste Inconnue, même s’il déborde bien trop d’agressivité et de fermeture d’esprit à mon goût.

Dommage que vous ne développiez pas justement je suis certain que vous m auriez fait beaucoup rire...il n y pas plus de prostitution à ipoh qu’à KL..il faut arrêter de dire des conneries. ;il y a des villes qui ont un bien plus gros problème qu ipoh sur ce sujet

Les mots ont un sens. Dans cet article, j’ai écrit que Ipoh est l’un des plus importants foyers de prostitution de toute la péninsule. En aucun cas qu’il y a là-bas plus de prostitution qu’à Kuala Lumpur.

On peut voir beaucoup de ces tags à Ipoh et je me posais des questions à leur sujet, merci pour les explications.

Comme tu le sais sans doute, il suffit souvent d’aller vers les gens l’esprit et le cœur ouverts pour qu’ils te parlent de ce qui compte à leurs yeux. Y compris si tu es un inconnu et/ou un étranger.

Le bon coté de Ipoh c et que les beaufs occidentaux n y mettent quasiment pas les pieds(( par contre ils ont envahis penang).

Pendant les premiers mois de cette aventure, j’ai parfois ressenti du mépris, tout comme toi, pour ces gens qui voyagent sur circuits balisés. Et puis, j’ai eu la sensation de grandir, le jour où j’ai viscéralement compris que chacun, à chaque instant, prend ce qui semble être la meilleure décision, à cet instant de son évolution et à ses propres yeux.

Je crois qu’il y a autant de voyageurs que de voyages. Et que tous méritent le respect.

Tout dépend de ce que tu recherches, channy. Mais peut-être fais-tu fausse route.

Je continue la mienne,

Vous aussi, laissez vos traces sur la piste...