Agression à Buenos Aires
Publié par Audesou, le 10 décembre 2012 à 05:12
Lorsque l’on publie un article avec un titre comme celui-ci, le code de l’élégance impose de débuter par la conclusion. La voici donc, simple, sobre, crue : pas d’inquiétude, tout va bien, aussi bien du côté de Koonshu que du mien.
L’histoire que je m’apprête à vous raconter s’est déroulée le mercredi 28 novembre 2012, au soir, à Buenos Aires. Déjà un peu plus d’une semaine. Déjà lointaine. Déjà perdue dans le temps. J’ai choisi de prendre un peu de recul avant de déposer ici les mots qui suivent.
Il devait être 21 heures
Il devait être 21 heures, et nous marchions tous deux dans l’Avenida 9 de julio — qui ressemble fort aux Champs-Élysées parisiens — à la recherche d’un lieu où apaiser le chant bourdonnant de nos estomacs vides. Un groupe de cinq individus arrivait en face. Nous discutions de choses et d’autres, nous n’y avons pas prêté attention.
Je pressens soudain que quelque chose ne tourne pas rond. Un regard jeté en avant, et le pressentiment devient une certitude. Il est malheureusement trop tard pour éviter le contact. Pas le temps d’échanger un mot entre nous. Qu’importe, nous connaissons les règles du jeu. Nous y sommes préparés. L’un comme l’autre, nous savons qu’il nous faut désormais faire preuve de sang-froid.
Tout est allé relativement vite.
En quelques secondes, nous avons été isolés à grand renfort d’intimidation physique et de cris : ¡ El dinero, el dinero, el dinero !
. En espagnol, cela veut dire l’argent. Le trottoir, pourtant fréquenté quelques secondes auparavant, s’est dépeuplé comme par magie. Vous connaissez la musique.
Deux individus ont emmené Koonshu à l’écart. Contre un mur. Hors de mon champ de vision. Là, ils lui ont littéralement fait les poches. Après avoir consciencieusement tout vidé jusqu’à la moindre facturette, ils ont tenté de lui extorquer davantage. Peine perdue, il n’avait plus rien sur lui. Ses deux agresseurs n’étaient pas armés, et aucun coup n’est parti. Heureusement.
Pendant ce temps-là, les trois autres hommes m’ont plaqué au mur. L’un d’eux pointait un cutter armé à quelques centimètres de mon visage. J’ai connu des étreintes plus agréables. Je me suis concentré sur deux actions simples : de la main droite, serrer son poignet et le maintenir aussi éloigné que possible ; de la main gauche, rechercher puis donner le portemonnaie — le leurre — qui se trouvait dans l’une des poches de mon pantalon.
Lorsque l’étau s’est relâché, au bout de ce qui devait être une demi-minute, le temps de vérifier mutuellement que nous allions bien, la meute avait disparu dans la nature. Modus operandi classique.
Nous portions chacun sur nous un portemonnaie destiné spécifiquement à nous sortir sans dommage de ce type d’assauts, de ce type d’expéditions en mode racket ordinaire. À l’intérieur : quelques dollars canadiens et une douzaine de réals brésiliens.
À l’heure des comptes, Koonshu s’est fait voler ledit portemonnaie, un couteau de l’armée suisse, des facturettes, ainsi que 24 pesos argentins — c’est-à-dire moins de 4 euros !
De mon côté, seul le leurre a été dérobé. Un billet de 50 pesos, resté bien au chaud entre ma fesse droite et le mur durant toute la durée de l’agression nous a permis par la suite de prendre un repas et d’échanger à propos de ce que nous venions de vivre...
Ce que nous en retirons
Par définition, toutes les expériences sont enrichissantes. Plus particulièrement, les mauvaises. Celle-ci ne déroge pas à la règle.
Cette désagréable aventure n’a pas entamé notre envie de voyager, et cela tombe bien, car nous comptons bien continuer à vous faire rêver ! Nous en retenons surtout le principal : nous sommes en vie — et en forme — tous les deux. Nous retenons également que nous avons bien fait de sortir ce soir-là sans sacs, passeports, appareils photo et autres cartes bancaires.
Sur le coup, nous n’avons pas ressenti de peur. Pas de panique, pas de cœur ou de respiration qui s’emballe, rien de tout ceci. Même si nous savons que nous ne sommes jamais à l’abri d’autres expériences de ce type avec nos têtes d’étrangers, même si le soir qui a suivi j’ai eu du mal à trouver le sommeil, en colère, déçu et dégoûté, des nœuds plein la tête à force de me demander ce que j’aurais pu faire de mieux, nous sommes heureux de n’avoir jamais négligé l’éventualité d’une attaque lors des préparatifs, et d’avoir su garder notre sang-froid.
Comme on le dit parfois, les choses auraient pu mal tourner.
Voyageuses et voyageurs de tous horizons, si cela peut vous être utile un jour, voici certains des conseils que nous nous appliquons à nous-mêmes lorsqu’il est question de faire face à ce type de situations :
- Autant que possible, évitez de sortir avec votre passeport et vos cartes bancaires sur vous. En veillant à n’emporter que l’argent liquide nécessaire à votre journée ou soirée, le risque financier et administratif est atténué.
- Face à des agresseurs équipés d’armes blanches ou à feu, évitez d’opposer une résistance frontale. Ne restez pas passif pour autant. Privilégiez le détournement souple de l’attention. Utiliser un leurre est une technique efficace contre des agresseurs non chevronnés.
- Dans les zones sensibles, évitez de vous isoler.
- Soyez constamment attentifs à ce qui se passe autour de vous et, lorsque vous évoluez dans la rue, veillez à marcher d’un pas assuré. C’est-à-dire : menton légèrement relevé, épaules ouvertes, foulées stables et régulières, buste et regard droits. Donnez à votre environnement l’impression que vous êtes ici chez vous, que vous savez où vous allez. Surtout lorsque vous êtes perdu. Avec le recul, c’est un point que nous avons malheureusement négligé ce fameux soir. Nous marchions çà et là, oisifs, à la recherche d’un lieu inconnu, la tête en l’air. Autant nous coller une cible rouge sur la tête.
- Veillez à séparer vos liasses de billets. Disposez votre argent liquide dans plusieurs de vos poches. Si le vent tourne franchement en votre défaveur, n’hésitez pas à placer vos cartes bancaires dans vos sous-vêtements.
- Souvenez-vous que vos agresseurs n’en mènent souvent pas large, et qu’il est dans leur propre intérêt de déguerpir dès que possible après être passés à l’action. Si possible, jouez la montre.
- Ne passez à l’attaque que si vous avez la certitude d’avoir l’ascendant sur vos agresseurs. En d’autres termes, ne passez à l’attaque que si vous avez déjà virtuellement gagné le combat. La base de L’Art de la guerre. Ne vous fiez pas à la taille ou à la corpulence de ces derniers, vous pourriez parfois être surpris. Ne vous fiez pas non plus à leur potentiel d’intimidation. Si vous choisissez de frapper, arrangez-vous pour agir en premier.
- En cas de pluie de coups, protégez autant que possible : votre tête, votre cou, votre torse et vos parties.
- Conservez votre sang-froid. Le meilleur moyen pour rester lucide sous adrénaline est encore de vous être entraîné mentalement à l’avance, à réagir dans ce type de situations.
- Ne vous laissez pas abuser par vos émotions. La peur, la panique et la terreur sont les fruits de votre imagination. Elle-même savamment alimentée de sombres fables par les médias. Si elles arrivent parfois, les agressions restent rares. Et il y a un monde entre se faire attaquer et finir exsangue dans un bain de sang.
- Engagez le dialogue. Certes, cela est toujours plus facile à dire qu’à faire, surtout lorsque vous ne maîtrisez pas la langue de vos agresseurs. Mais tâchez de faire de votre mieux pour, depuis le statut de proie, revenir à celui — bien plus noble — d’être humain.
- Et, bien sûr, n’oubliez pas ce qui compte réellement : votre vie et celle des gens que vous aimez. Le reste n’a aucune espèce d’importance. Si vous vous retrouvez dans une situation dans laquelle vous n’avez d’autre choix que de laisser filer vos biens et votre argent en l’échange d’une vie chère à vos yeux, ne réfléchissez pas une seconde. Ne jouez pas les héros.
Déjà 10 traces de pas sur ce bout de piste :
1. Neovov, le 10 décembre 2012 à 07:23
2. Fana, le 10 décembre 2012 à 21:14
D’aventure en aventure, vous avez donc croisé de biens drôles d’oiseaux (bizarres voire inquiétants).
Mais encore une fois, vous donnez la preuve que votre préparation intense et minutieuse s’avère utile dans bien des domaines.
Bravo à vous pour votre gestion de cet incident avec calme et sang froid.
Enfin, juste un bémol, vous auriez pu les prendre en photos pour votre album de voyage ;-)
Bon d’accord ce n’est pas drôle. Enfin j’espère quand même que vous avez ensuite déguster un petit rhum Argentin pour vous remettre de vos émotions...
3. Renaud, le 11 décembre 2012 à 10:12
Ouf ! j’ai eu peur en voyant le titre mais je suis maintenant rassuré.
Leur as-tu dit que tu connais Steven Chatenet ? Ça aurait pu les dissuader ! :D
Bonne continuation les gars !
4. Cindy, le 11 décembre 2012 à 10:13
Raaah je redoutais ce moment depuis votre départ...mais vous connaissant je savais que vous aviez prévu le coup, mais quand même.
Heureuse de vous savoir sains et saufs après une telle épreuve !
Et du coup, vous avez fini par manger quoi après ? :)
5. Christine, Xavier et les filles, le 11 décembre 2012 à 17:46
Joyeux anniversaire mon petit KOONSHU !!!
Malgré les petits incidents de tous les jours, même en argentine il y a des abrutis(pour rester poli !), continuez votre beau périple et prenez soins de vous !!
Bises de Vendée.
6. verrier martine, le 11 décembre 2012 à 18:59
Très bon anniversaire à koonshu !
Je suis passionnée par votre aventure,un peu inquiète d’apprendre votre agression,mais heureusement vous avez bien réagi...(je pense à christine et philippe).
bises des cristoliens
7. Thomas, le 14 décembre 2012 à 17:31
Content de savoir que vous vous en êtes bien tirés. Superbe coup du leurre. Bonne route compañeros.
8. Koonshu, le 15 décembre 2012 à 14:31
@Neovov : Rien ne nous arrêtera. ^^ À bientôt l’ami. ;-)
@Fana : Nous sommes satisfaits de voir que notre préparation a porté ses fruits même lors de cette mésaventure. La prochaine fois, je filmerai avec ma caméra espion. :-P
@Renaud : Bien sûr, mais ils savaient qu’il était à l’autre bout du monde, mauvais bluff... ^^
@Cindy : Un petit Subway, tranquillement. Ça nous avait pas coupé la faim.
@Christine, Xavier et les filles : Il y en a partout malheureusement, comme tu dis...
@verrier martine : Merci beaucoup. :-)
@Thomas : Merci bien amigo. ;-)
9. n0unours, le 7 janvier 2013 à 08:42
Ca faisait quelques temps que je n’étais pas venu ici, et j’avoue que le titre de cet article m’a assez vite refroidit, et fort heureusement, commencer par la conclusion m’a permis de ne flipper pendant toute la lecture.
Content que vous en soyez bien sorti et qu’il n’y ait pas eu de complications physiques.
Bonne route les mecs.
10. Audesou, le 7 janvier 2013 à 18:03
Merci à toi, l’ami. ;-)
Content de savoir que vous allez bien et que cela n’a pas entaché votre faim de voyage !
J’ai hâte de vous revoir ;) !
Bonne continuation !