L’ascension du volcan Villarrica

Publié par Audesou, le 26 février 2013 à 13:51

C’est perdu au beau milieu du désert d’Atacama, du haut des 2 438 mètres de San Pedro de Atacama, que je vous écris aujourd’hui.

Avant de reprendre très prochainement la route en direction des hauts plateaux de l’Altiplano bolivien, nous avons choisi de faire halte depuis quelques jours dans ce village-oasis afin de nous acclimater peu à peu à l’altitude. Déjà, le Chili sera derrière nous dans une ou deux dizaines d’heures. Il est grand temps de commencer à vous conter l’histoire de notre aventure dans ce pays effilé, coincé entre l’océan Pacifique, la Patagonie, la cordillère des Andes et le désert.

Suivez mes pas. Nous remontons la piste.

Mardi 5 février 2013. Deux jours plus tôt, nous quittions l’Argentine en stop depuis Junín de los Andes. Nous sommes désormais à Pucón, notre première étape au Chili. Il est très tôt, ce matin. À vrai dire, même le soleil ne s’est pas encore levé. Sans un bruit, Samantha et Koonshu me rejoignent dans le hangar où nous avons soigneusement préparé notre équipement, en compagnie de nos guides, la veille. La journée s’annonce déjà exceptionnelle. Au loin, il nous toise, tandis que nous levons des yeux aussi inquiets qu’impatients vers lui.

Nous nous préparons mentalement à gravir les 2 847 mètres du volcan Villarrica.

L'ascension du volcan Villarrica #1

Le soleil se lève tranquillement et met en lumière un temps magnifique alors que nous arrivons au pied de la montagne. En compagnie d’une quinzaine de personnes de tous horizons, nous débutons l’ascension en nous séparant en deux groupes. Certains choisissent la voie du télésiège pour parcourir les 500 premiers mètres de dénivelé, réputés les plus éprouvants du parcours. Fidèles à nous-mêmes, nous optons pour la marche. À cet instant, nous n’écoutons que d’une oreille distraite notre guide qui nous explique en espagnol que nous allons devoir rattraper l’autre groupe, que cette première étape ne sera pas une partie de plaisir, qu’il n’est pas trop tard pour choisir l’autre voie, et qu’il ne faudra pas venir chouiner dans ses guêtres à mi-parcours après s’être engagés sur la piste noire.

M’enfin ! Ce stratovolcan a beau être l’un des plus actifs d’Amérique du Sud et titiller les 3 000 mètres, il en faut plus pour nous faire renoncer. Et puis, nous en avons vu d’autres...

Nous sommes des marcheurs lents mais endurants. Du genre Lento. Emporté par notre guide, le tempo de cette ascension légèrement technique est pourtant effréné. Quinze minutes plus tard, Koonshu est dans les choux. L’allure Presto imposée, les vertiges et les crampes le plaquent en dernière position et lui font perdre peu à peu du terrain. Un peu plus haut dans la colonne, je n’en mène pas large non plus au milieu de ce chemin de pierres. Je doute. Je ne regarde pas en haut. Je décompose cette pente en de multiples étapes, en de multiples objectifs à atteindre. Et dépasser. Une pierre après l’autre. La tête baissée, je comprends à l’aune du souffle haletant de ceux qui m’entourent que chacun a entamé une épreuve intérieure.

Nous résistons, pourtant.

Nous voilà arrivés au point de déchargement du télésiège. Au premier tiers du chemin. Alors que je me retourne face nord pour la première fois en attendant Koonshu, je ne sais plus très bien ce qui, de l’effort, de l’altitude ou de la vue, me coupe le souffle.

Les conditions atmosphériques sont absolument parfaites. Devant mes yeux, sur des centaines de kilomètres, s’étend un panorama semblable à celui d’une chaîne des Puys que l’on aurait dopée aux hormones. Je crois bien contempler là l’un des plus somptueux paysages de ma vie.

C’est ce moment que choisit Koonshu pour faire une entrée débordante de sueur sur la plateforme naturelle de pierres volcaniques, et notre guide pour nous annoncer que cette première étape n’était qu’un test de performance. Il est fier de notre peloton, et la suite sera bien plus aisée. Sceptique, je lui demande s’il tient ce discours à chaque ascension. Il m’assure que non, et m’apprend qu’il a parié au pied du volcan avec ses collègues qu’il rattraperait avec son groupe la seconde équipe, celle du télésiège, avant le sommet. Et qu’il le fera.

Nous avons frôlé la fringale pour un pari. Je ris jaune. Mais il en faut plus pour entamer notre mental. Un dernier regard derrière-nous, de l’eau, quelques shots de glucides, et nous reprenons l’ascension.

L'ascension du volcan Villarrica #2

La suite de l’expédition est effectivement bien plus accessible. Notre guide gagne son pari et les doutes s’estompent à mesure que le sommet se rapproche. Durant le dernier kilomètre de dénivelé, nous traversons des champs de glace, que nous franchissons en file indienne, assistés de nos piolets.

L'ascension du volcan Villarrica #3

Soudain, au détour d’un énième lacet sur cette pente verglacée, peu avant midi, une odeur de souffre : le sommet et son cratère se dévoilent devant nous.

Pour la première fois de notre vie, nous avons gravi la pente d’un volcan en activité. La sensation est indescriptible. Intense. Le cratère — béant, depuis la dernière éruption en 2009 — ne ressemble en rien à ce que j’avais imaginé. Instantanément, cette expérience devient l’une des plus prégnantes de l’histoire de La Piste Inconnue. Et je ne vous ai pas raconté la descente.

Notre guide nous tape dans les mains en signe de victoire. Nous l’avons fait.

Tandis que mon casque trône précisément à 2 848 mètres et 78 centimètres, je jette un nouveau regard sur la nature qui m’entoure. La beauté des paysages, que je qualifiais de somptueux lors de l’ascension, dépasse désormais l’entendement. Côté ouest, le Chili. Côté est, la bien-aimée Argentine et le grand frère Lanín, qui veille sur Junín de Los Andes en rappelant les œuvres d’Hokusai, et que l’on aperçoit cette fois de dos.

L'ascension du volcan Villarrica #4
L'ascension du volcan Villarrica #5
L'ascension du volcan Villarrica #6
L'ascension du volcan Villarrica #7
L'ascension du volcan Villarrica #8
L'ascension du volcan Villarrica #9
L'ascension du volcan Villarrica #10
L'ascension du volcan Villarrica #11
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L'ascension du volcan Villarrica #13
L'ascension du volcan Villarrica #14
L'ascension du volcan Villarrica #15
L'ascension du volcan Villarrica #16
L'ascension du volcan Villarrica #17
L'ascension du volcan Villarrica #18

Nous passons deux heures au sommet du volcan Villarrica. Le temps de s’imprégner de l’atmosphère quasi mystique des lieux et de recharger les batteries avant la descente.

En luge.

Mais ça, c’est une autre histoire...

Déjà 7 traces de pas sur ce bout de piste :

1. Sébastien, le 26 février 2013 à 20:23

Oh mais quelle incroyable vue !
Merci pour ces belles photos.

2. Fana, le 26 février 2013 à 22:21

Coucou les affreux,
Désolé de vous avoir quelque peu abandonnés ces derniers jours. Une vilaine grosse grippe m’empêchait d’avoir les idées claires pour vous écrire après la lecture de vos derniers articles.
Vos dernières photos sont encore une fois de toute beauté exception faite, bien entendu, de celle d’un espèce d’énergumène aux poils hirsutes venu taper l’incruste dans des paysages idylliques...
J’ose espérer que vous n’aurez pas à le croiser trop souvent ;-D
Spécial grand merci à Koonshu pour sa carte qui nous a fait grand plaisir.
Bises et continuez bien votre route...

3. Christine, Xavier et les filles, le 27 février 2013 à 11:32

salut les jeunes,
Merveilleuses photos, site exceptionnel..
Vous avez une chance incroyable de vivre ces instants magiques..
Vous avez même croisé la route d’un Yéti....
Le retour à la vie va être terrible.
Bonne continuation...

4. Lison Baronchelli, le 28 février 2013 à 17:35

Salut tonton
Il va falloir envoyer 2x plus de cartes postales maintenant que je suis enfin arrivée ! Maman va bien, papa est fatigué et Gabin est heureux davoir une petite soeur ! Il va falloir que tu nous contactes sur Skype si tu veux voir la famille au complet !
Bisous de nous 4

5. Soeur Koonshu, le 28 février 2013 à 22:54

Hey mon frère, voici mon premier commentaire :p
Les photos sont justes incroyables ! On dirait même qu’à un moment vous marchez sur des nuages.. ce qui fait rêver ! Il ne fallait pas avoir le vertige en tout cas ! La vue est juste sublime, je vous envie !
Hey il va peut être falloir que tu te rase un peu Koonshu parce que la ça ne devient pas terrible :p.
Ta vu on est tonton et tata aujourd’hui, je suis allée voir notre nièce avec papa et maman dès ce soir et elle est trop mignonne tu peux pas savoir !
Je t’embrasse fort ainsi qu’à Audesou

6. Audesou, le 4 mars 2013 à 02:50

@Sébastien : Mais de rien, mon cher Sébastien ! ;-)

@Fana : Ravis de ce retour, et merci pour les encouragements ! Quant à l’énergumène aux poils hirsutes, je le croise malheureusement (très) régulièrement ! :-D

@Christine, Xavier et les filles : Merci également ! Nous avons fait le choix de savourer chaque instant, et de ne pas penser au retour. Qui vivra... verra ! ;-)

7. Koonshu, le 4 mars 2013 à 17:01

@Lison Baronchelli : Heureux d’apprendre ta
naissance, Lison, et bienvenue dans la famille. :-) Je vous
contacterai par Skype dès que possible, pour vous voir tous les
quatre. En tout cas, vous avez fait du bon travail Julie et Julian, mes félicitations. ;-)

Gros bisous.

@Soeur Koonshu : Ton commentaire me fait plaisir petite sœur.

Mon rasoir se cache toujours dans ma trousse de toilette donc le
rasage n’est pas prévu pour tout de suite. :-P

J’ai vu des photos de Lison et je confirme, elle est très mignonne,
comme son tonton d’ailleurs.

Vous aussi, laissez vos traces sur la piste...