Le psikh

Publié par Audesou, le 16 novembre 2013 à 20:14

Hier matin, vendredi 15 novembre 2013, une porte s’est refermée au douzième étage d’un immeuble de Singapour. Derrière cette porte : Koonshu. Désormais de retour en France depuis quelques heures après plus d’une année passée sur la route à mes côtés, il venait à cet instant de quitter définitivement La Piste Inconnue.

« Refermer les cercles »

Il y a quelques années, l’un de mes mentors m’a appris l’importance de clôturer clairement chacun des chapitres dont l’enchaînement constitue à terme un bien bel ouvrage : l’histoire de notre propre vie. Ceci, afin d’amorcer après chaque étape majeure le processus mental du bilan qui permettra pour sa part de débuter le chapitre suivant sur une belle page blanche, l’esprit renforcé, détaché et serein. Concept ramené récemment à mon esprit sans le savoir par l’ami Cédric qui, lui, parlait de son côté de l’importance de « refermer les cercles » pour avancer. Du pareil au même.

Du coup, pour sceller le départ de Koonshu et marquer d’une pierre blanche ce jour que je retiendrai comme le berceau de l’un des événements les plus retentissants de mon périple, j’avais envisagé de publier un article court, informatif et neutre. Quelque chose de très chiant, en somme.

Mais ça, c’était avant de vivre l’expérience qui m’a fait appeler ce papier « Le psikh ».

Rencontre avec le psikh

Quelques dizaines de minutes après le départ de Koonshu, j’ai passé le seuil de la même porte, quitté le même douzième étage, après avoir déserté le même appartement. Tout était à la fois tellement identique et tellement différent. À la manière de Robert Louis Stevenson, je ne suis pas sorti pour atteindre un endroit précis, mais pour marcher : simple plaisir de voyager. J’avais besoin d’air. Sensation étrange que celle de tracer La Piste Inconnue seul. Je suis parti à l’intuition. En tombant dessus, j’ai décidé de longer la rivière.

C’est là que c’est arrivé.

Ce que j’ai d’abord croisé, c’est son regard. Ensuite, j’ai essayé de le croiser, lui, mais je n’ai pas réussi. C’est sa main refermée avec force sur l’intérieur de mon coude droit qui m’en a empêché. Sans un mot, j’ai levé de nouveau les yeux vers cet inconnu. Un sikh.

L’étreinte s’est alors relâchée et cet indien enturbanné m’a annoncé qu’il avait un message important à me transmettre. Avant même que je ne puisse ouvrir la bouche, le message commençait. Message, ou plutôt histoire, puisqu’en réalité, c’est bel et bien d’une histoire dont il s’agissait. Et j’aime les histoires. Malgré l’entrée en matière peu banale, ma curiosité a été piquée au vif tellement la rencontre était improbable. J’ai fini par m’asseoir à ses côtés, sur le bord de l’eau. Et nous avons parlé. Enfin, surtout lui.

Son histoire a dû durer une bonne vingtaine de minutes. Plus les minutes se consumaient, plus je l’écoutais avec intérêt. Stupéfait et émerveillé, même si, au fond, je la connaissais déjà très bien. Comme je l’avais pas mal étudiée et analysée par le passé, j’avais parfois un peu l’impression d’assister à un rappel. Comme au début du premier épisode de la nouvelle saison d’une série télévisée, vous voyez l’idée ? Sauf que là, il ne s’agissait pas exactement du résumé de la saison précédente de The Walking Dead.

Il s’agissait du résumé sans détours de l’histoire d’une vie. La mienne.

Avec force détails ce vendredi matin à Singapour, l’histoire racontée par ce sikh que je ne connaissais ni d’Eve, ni d’Adam, c’était donc l’histoire de ma propre vie. Il m’a ensuite parlé de l’avenir. Normal. Situation de la vie courante. Tout va bien.

Je ne crois pas à la divination, et encore moins au déterminisme. En revanche, même si je suis à des années-lumières de cet homme au talent ahurissant, je crois à la lecture à froid. Alors certes, cette rencontre m’a donné de nombreux frissons. Et certes, au moment où j’écris ces lignes, je suis encore troublé par certains de ses mots. La plupart, en fait, je dois bien l’admettre. Mais ce qui m’a réellement marqué, ce n’est pas le contenu de son/mon histoire, mais ce que cet homme m’a annoncé tandis que je le quittais. Je traduis :

Continue ta quête, même si ton chemin n’est pas connu.

Ces mots m’ont rappelé quelque chose et ont résonné en moi... En une phrase, et peut-être sans le savoir, lui qui était venu d’Inde, lui qui était également arrivé à Singapour la veille, a redonné de la consistance à ce projet qu’il aurait été tellement facile de laisser voler en éclats suite aux récents événements.

Le psikh #1

L’avenir de La Piste Inconnue

On pensera bien ce que l’on veut de cette histoire, de cet événement, de ses causes et de ses conséquences. Mais le fait que je fasse cette rencontre précisément à cette étape de mon voyage, cela m’a redonné confiance en mes propres pas, et m’a redonné le sourire à un instant où j’étais prêt à le perdre.

Parce que je crois aux signes. Et que cet adieu en était un.

Je parlais de l’importance de refermer les cercles, plus haut. J’aime raconter les histoires au présent. Vous aurez peut-être remarqué que cela n’est pas le cas ici. Et si cette histoire est racontée avec le soutien des temps du passé c’est que ce vendredi, suite à la collision avec cet homme, un nouveau cercle s’est brusquement refermé un peu malgré moi, fustigeant ma tendance à laisser des ouvertures, ça et là, au cas où.

Le départ de Koonshu sonne donc la fin d’une étape et le début d’une nouvelle ère, pour moi, et donc pour La Piste Inconnue. Vous vous l’imaginerez peut-être, même si cette rencontre m’a fait du bien, les doutes sont toujours présents et lourds à porter ces derniers temps. Et j’entends déjà d’autres vagues qui arrivent depuis le large.

Ma quête prendra-t-elle fin dans quelques jours, quelques semaines, quelques mois ? Arriverai-je jusqu’au bout ? Y a-t-il seulement un bout, quelque chose à atteindre ? Serai-je à la hauteur ? Qui suis-je en train de perdre ? Suis-je en train de me perdre ? Comprendrai-je un jour pourquoi je suis parti ? Tout ceci a-t-il vraiment un sens ou ne s’agit-il que de pure folie ?

Je ne connais pas les réponses de certaines de ces questions.

Suite à la publication de cet article, je vous demande de m’accorder un peu de temps. Certaines choses sont à réorganiser, puisque je voyagerai désormais seul. La ligne éditoriale de ce carnet de route évoluera sans doute. L’aventure ne sera peut-être plus très intense et/ou intéressante, aussi bien pour vous que pour moi, le temps que je me relève. J’ai besoin de prendre du recul. J’espère que vous le comprendrez.

Merci pour tous vos messages de soutien. Avec une très forte pensée pour toutes celles et ceux qui comptent à mes yeux. Et qui le savent.

À bientôt pour de nouvelles aventures, sur La Piste Inconnue.

Déjà 2 traces de pas sur ce bout de piste :

1. caroline, le 1er septembre 2014 à 16:32

Pour moi aussi une parenthèse ou un cercle pour reprendre tes termes s’est fermée le jour même tu as rédigé cet article. Intéressant l’idée de refermer les cercles. J’utilisais une autre métaphore « quand Dieu ferme une porte, une fenêtre s’ouvre » !
Je te remercie pour ton message de retour.
Rencontre à Sucre en Bolivie. Depuis de l’eau à coulé sous les ponts....

2. Audesou, le 8 septembre 2014 à 13:42

Caroline,

Merci pour ton passage ici.

Comme tu dis, l’eau a coulé sous les ponts depuis Sucre !

Gardons confiance en nos pas,

Vous aussi, laissez vos traces sur la piste...