Il était une fois : l’Inde du Nord

Publié par Audesou, le 22 mai 2014 à 19:56

La Piste Inconnue ne prend pas la tangente.

Entre le mercredi 5 mars 2014 à Aurangabad et le dimanche 1er avril 2014 à Varanasi, entre le socle de l’Inde du Sud et les sommets népalais de l’Himalaya, elle faisait fi des obstacles, optait pour la voie du milieu, et traversait en diagonale celle que d’aucuns nomment l’Inde du Nord.

Ce sont des bribes de cette légende qui vous sont présentées à présent, au présent.

Il s’appelle Vaibhav

Jeudi 6 mars 2014. Aurangabad. Maharashtra.

Il s’appelle Vaibhav. Et c’est alors que je suis en train d’arpenter les collines qui sourdent brutalement de la plaine au nord-ouest de la ville que je fais sa rencontre, sur le seuil d’un temple hindou dédié à Hanuman. À 23 ans, son anglais est impeccable, sa culture considérable. De fil en aiguille, nous finissons par passer une bonne partie de la journée ensemble.

D’abord autour d’un chai, puis autour d’un repas, nous évoquons les femmes, l’Inde, les castes, l’hindouisme, les odeurs, les gourous, l’argent, l’Europe, la France, la nourriture, le recyclage, les achats compulsifs en Occident.

Avec pudeur et une extrême attention quant au choix de ses mots, il finit par me parler de la femme qu’il aime et de celui qu’il porte en lui, et qu’il appelle son « combat ».

Par peur de la ruine, les parents de son amie s’opposent au mariage. Il m’apprend qu’en Inde, une tradition ancestrale encore très ancrée veut en effet que la totalité des frais liés à une telle union soient assumés exclusivement par la famille de la mariée, qui s’endette parfois ainsi sur plusieurs générations pour honorer les us. Voilà des mois que les deux familles parlementent à ce sujet. Lui qui ne demande rien de plus ou de moins que la main d’une femme se heurte au mur inflexible de la tradition. La fierté d’une famille est en jeu. Nombreux sont les Indiens qui considèrent encore aujourd’hui le défaut de paiement de la dot comme le plus grand des déshonneurs.

Par rebond, ce point explique en partie le lourd déséquilibre démographique de ce pays, qui compte bien plus d’hommes que de femmes parmi ses rangs.

Vaibhav ne baisse pas les bras pourtant, et vient s’isoler seul chaque semaine au sommet du monticule, où je l’ai rencontré. Là mais non las, assis sur le toit de la ville en compagnie du gardien du temple, il médite sur cette situation inextricable, et tente de trouver les mots justes. Ceux qui sauraient toucher et convaincre. Il m’avoue avoir déjà envisagé de trancher le nœud gordien en s’enfuyant loin d’ici avec celle qui ne partage pas encore tout à fait sa vie. Mais serait-ce vraiment une solution ?

Dans le pays qui a vu naître Les Mille et Une Nuits, cette histoire d’amour impossible me touche au plus haut point.

Il s’appelle Vaibhav, donc. Et au moment où il me dépose en moto près d’un monastère bouddhiste édifié à flanc de coteau, il m’intime : « Continue à parler aux bonnes personnes, et tu finiras par trouver ce que tu recherches. »

Du fond du cœur, c’est également tout le bonheur que je lui souhaite.

Le mini Taj Mahal

Jeudi 6 mars 2014. Aurangabad. Maharashtra.

La curiosité et le soleil ont guidé mes pas en cette fin d’après-midi. Le voilà qui se dresse finalement devant moi. Il est celui que les locaux nomment « Le mini Taj Mahal », lorsqu’ils ne se fendent pas d’un « Taj Mahal du pauvre » dans un rire béat.

Il est également la raison pour laquelle j’ai décidé de faire étape à Aurangabad, après avoir quitté Mumbai, quelques jours plus tôt. Tout le monde ou presque connaît le Taj Mahal de Agra, mais qui connaît le Bibi Ka Maqbara de Aurangabad ? Sans être identiques, et, bien que les dimensions de ce dernier soient bien plus modestes que celui qui fait désormais partie des sept nouvelles merveilles du monde, les similitudes entre les deux mausolées sont tout simplement saisissantes.

Tandis que je déambule dans l’immense cour de l’édifice, perles de sueur au front, nombreux sont les Indiens qui me saluent d’un As-salâm ’aleïkoum assorti d’une main droite portée au cœur, avant de me demander s’ils peuvent se prendre en photo à mes côtés. Des semaines que l’on ne m’avait pas perçu comme musulman. Ces multiples salutations et requêtes me surprennent. Et sont toujours aussi délicates à gérer.

Le soleil baisse à l’horizon. Je ne souhaite pas prendre le temps d’expliquer que je ne vénère pas Allah ou le dernier prophète. Alors, par manque de répartie, je me contente de renvoyer la paix en arabe, par l’intermédiaire d’un Wa-ʻaláykum as-salām, avant de continuer à tracer ma piste.

Au pied des minarets, la barbe et le sourire ont de nouveau semé le doute, ce soir.

L’étranger

Jeudi 6 mars 2014. Aurangabad. Maharashtra.

Elle me fait penser à ma filleule. Voire à ma petite sœur, quand elle avait son âge. Attablée avec ses parents de l’autre côté de la salle de cette cantine locale, je lui donne une vingtaine de mois. D’un mouvement malhabile et touchant, elle parle déjà la langue du monde et répond à mes signes de la main. Ses parents sourient.

Je ne connais pas ces gens. Je ne les ai jamais vus. Ne les reverrai probablement jamais. L’espace d’un instant, nous venons de faire tomber les frontières, de créer du lien.

Et c’est bien là tout ce qui nous importe.

Sur cette pensée, je replonge mon sourire, mes yeux et ma main droite vers la feuille de bananier qui me fait face, et continue à savourer mon masala dosa. Quelques minutes plus tard, l’un des serveurs arrive et tend vers moi une note vide, tout en tentant de m’expliquer quelque chose que je ne saisis pas. Il finit par repartir, l’air bredouille.

Si ma tête se relève à nouveau peu après, c’est parce qu’une main d’homme vient se poser fermement sur mon épaule.

Celle du père de famille.

L’air ému mais fier, il m’annonce en anglais, dans une série de mots peu assurés, dont on sent qu’ils viennent d’être appris et répétés : J’ai payé pour toi.

Cette fois, je comprends. Je plonge dans son regard, et, immédiatement, vacille. Il y a quelques heures seulement, c’était Vaibhav qui insistait pour — et qui finissait par — prendre en charge mon déjeuner. Ce n’est pas la première fois que je vis de telles situations, mais au soir de cette journée particulière, les larmes me montent aux yeux.

Je ne trouve pas les mots qui feraient mouche, et j’ai de toute façon du chutney encore plein la bouche. Alors, je le remercie d’une main sur la poitrine, et répète le geste à destination de sa femme et de son enfant, qui nous guettent, non loin. Avant de remarquer que toute la salle a observé la scène. Chacune des Indiennes et chacun des Indiens présents me saluent. Mon cœur tonne, et déborde un peu. Sur ce petit bout de Terre, on vient de me faire oublier pour un instant que je suis l’étranger.

Ce soir-là, sous ma moustiquaire, je repense à l’incomparable Fred, qui m’écrivait il y a quelques semaines : En gros, plus on a rien, et plus on en donne ! Bien avant moi, il avait déjà tout compris.

Ces gens-là n’ont rien, et pourtant me donnent tout.

La plateforme

Vendredi 7 mars 2014. Aurangabad. Maharashtra.

486 jours que j’ai pris la route. Au guichet, on m’annonce qu’il me faut patienter jusqu’à l’arrivée de mon bus au niveau de la plateforme 8, dans un quart d’heure. Outre le fait que le quart d’heure indien se transformera sûrement en une bonne paire d’heures, je ne m’attends pas à rencontrer la moindre difficulté.

En réalité, j’omets un détail.

Dans cette gare routière, tout — je veux dire : tout — n’est écrit qu’en marathi. Numéros de plateformes compris. Incapable de m’orienter, je ris devant l’absurdité de ma situation. Sur les panneaux qui surplombent les baies où les bus viennent décharger leurs flots de passagers avant le prochain trajet, là où les habitants du Maharashtra voient des chiffres, je ne vois que des formes étranges, dénuées de toute signification.

Ce voyage a ceci d’extraordinaire : il sait me rappeler constamment à quel point, tout seul, je ne suis rien. Il est grand temps pour moi de me remettre à tisser des liens.

À un ancien planté là, je demande s’il peut me donner une leçon rapide. En moins de six minutes, ce professeur improvisé m’apprend à compter jusqu’à 10, avec toute la dignité qui émane d’un vieil Indien. Lorsqu’arrive la fin de la session, je le remercie, et grâce à de rapides allers-retours oculaires entre les numéros des plateformes et le fruit de son enseignement, je parviens finalement à repérer celle que je recherchais.

C’était pourtant évident : la plateforme .

Le procès

Samedi 8 mars 2014. Bus de nuit entre Aurangabad et Indore. Maharashtra/Madhya Pradesh.

Le procès bat son plein. Improbable. Impitoyable. Improvisé. Démesuré. Kafkaïen.

Des noms d’oiseaux jaillissent en hindi de toute part, lorsque défilent les témoins, au centre du couloir. Seul élément du public, assis au fond du bus, j’observe la partie civile qui s’élève, à ma droite, face à la défense, qui tient sa position de l’autre côté de la rangée centrale.

Dans cette cour d’assises — sans nul doute la plus originale qu’il m’ait été donné de fréquenter — on est en train de juger celui que l’on soupçonne de ne pas avoir payé son ticket. Il n’y a pas encore mort d’homme. Je crois. Mais c’est tout comme. Assurément, on juge un crime, ici.

En attendant de démêler le vrai du faux dans cette affaire, on a arrêté le véhicule. En pleine nuit. Depuis quelques dizaines de minutes déjà. Sur l’une des voies de l’autoroute.

Je note de nombreuses tentatives d’intimidation de la part de l’accusé, ainsi qu’une bonne dose d’arguments fallacieux et de mensonges côté accusation. Les débats sont tout à la fois : mal menés et malmenés. S’il savait ce qui se passe ici, le grand Éric Dupond-Moretti gémirait.

Le climax est atteint lorsque l’avocat de la défense — en la personne d’un jeune Indien métrosexuel, probablement ami de longue date de celui que l’on a désigné coupable avant même la fin des échanges — appelle au téléphone le gérant de la compagnie de transport. Il doit être environ 01:30 lorsque la voix de ce dernier — qui se fait visiblement réveiller — inonde l’habitacle d’une logorrhée d’insultes, reprend son souffle, et revient à la charge quelques secondes plus tard, pour une deuxième vague. Avant de se faire raccrocher au nez, sans autre forme de procès.

Après une bonne heure de débats, le verdict est finalement annoncé : un non-lieu. Côté défense, c’est la liesse. L’accusation, quant à elle, eh bien, n’a plus qu’à accuser le coup. Péniblement, on remet le bus en mouvement.

Jusqu’au procès en appel ?

L’éléphant blanc

Samedi 8 mars 2014. Bus de nuit entre Aurangabad et Indore. Maharashtra/Madhya Pradesh.

Il fait toujours nuit noire lorsque le bus qui m’emmène poussivement à Indore fait à nouveau halte dans la pénombre. Comme lors de chaque arrêt, dès l’ouverture de la porte, une vague de mâles part instinctivement à la recherche du premier tronc d’arbre dans l’espoir d’y soulager leurs sphincters vésicaux. Comme lors de chaque arrêt, dès l’ouverture de la porte, chacun de ces mâles se croit au moins aussi discret que Sam Fisher et tente de se placer au plus près de moi, histoire d’avoir la meilleure place.

Celle qui lui permettra de l’entrevoir.

Entre deux ombres, j’ai beau leur expliquer patiemment que je suis incapable de me lancer dans la miction lorsque je suis observé, rien n’y fait. En Inde, la curiosité anéantit souvent toute forme de décence. Et c’est encore une fois ce qui est en train de se passer. C’est plus fort qu’eux. Je sens leurs regards par-dessus mes épaules et sur les côtés de mes hanches.

Tous ne rêvent que d’une chose. Ignorant que le pauvre est sans défenses, il espèrent apercevoir celui qu’ils ont eu tôt fait de baptiser en ricanant : l’éléphant blanc.

Le racket organisé

Lundi 10 mars 2014. Omkareshwar. Madhya Pradesh.

Au mépris évident de tous les codes d’honneur du monde, c’est à quatre contre un qu’ils débarquent. L’air de rien, furtivement, ils se dirigent vers ma position. À chacun de leurs pas, je sais que la situation peut dégénérer salement. Une lame dans la main droite, tous les sens en éveil, j’évalue calmement mes options à l’intérieur du petit espace de liberté que je défends encore. Celui-là même qui se réduit inexorablement comme une peau de chagrin.

Ils sont tout proches, désormais. Beaucoup trop proches. Leurs regards trempent l’atmosphère d’avidité et d’agressivité latente. Je dois agir. Faire quelque chose. N’importe quoi. Dans un instant, il sera trop tard.

D’une main glissée dans mon dos, j’entrouvre la porte qui protège mes arrières, sans un bruit. Juste au moment où l’un des assaillants fait le pas de trop. De la main droite, je le menace d’un éclair de métal. Il semble le moins farouche du groupe. Tel un disciple de Sun Tzu, j’espère ainsi saper le moral de l’adversaire.

Erreur stupide : s’il est effectivement le plus téméraire du quartet, il est également le plus jeune. En une fraction de souffle, une forme brune et massive — jusque-là en retrait — se jette sur moi dans un cri rauque, toutes canines dehors.

La mère.

J’ai juste le temps d’esquiver l’attaque et de claquer la porte derrière-moi en la verrouillant de tout mon poids. Le bois et mes tympans gondolent sous l’effet de l’agression et des cris. Dépité, je patiente quelques minutes à l’abri. Je ne me fais pas d’illusions sur ce qui est en train de se jouer à l’extérieur de l’asile.

Lorsque je finis par remettre le nez dehors, les quatre malfaiteurs se paient le luxe de me montrer encore les crocs. Visages rincés par celle qui était encore ma papaye, il y a peu.

Ce lundi 10 mars 2014, un gang de macaques rhésus a senti que j’étais affaibli. Ce lundi 10 mars 2014, un gang de macaques rhésus a décidé que je ne déjeunerai pas.

Je ne l’ai jamais trouvée si belle

Mardi 11 mars 2014. Omkareshwar. Madhya Pradesh.

Les bouteilles vides occupent l’un des coins de la pièce. 9,25 litres de liquides divers et variés : ce que j’ai absorbé depuis le petit matin de la veille.

Il est midi à présent. Pour la seconde fois en dix minutes, je pose péniblement des séries de chiffres sur le papier. À ce stade, le simple fait de réfléchir est devenu un combat. J’évalue les pertes. Lorsque la confirmation du résultat tombe, je chancelle à nouveau. Devant la violence de la situation, j’ai consigné certaines informations : par cinq et vingt-sept fois, mon estomac et mes intestins se sont respectivement vidés au cours des trente dernières heures. J’ai beau modifier les variables de mes simulations dans tous les sens, le compte n’y est pas.

En onze mots comme en cent, je suis littéralement en train de me vider de mon eau.

Il m’aura fallu une nuit blanche et toute une matinée pour admettre que je suis en danger. L’espace d’un instant — accablé par la fatigue — j’envisage de m’allonger à nouveau et d’attendre que quelqu’un vienne me secourir. Mais je suis seul dans ma chambre, ce jour. Alors, rapidement, je me reprends : l’aide ne viendra pas.

Être libre, c’est être responsable de soi. C’est le prix à payer.

À travers le mal de tête et les vertiges, je sens mes capacités physiques et mentales décliner à une vitesse vertigineuse. Je fuis de l’eau au moins autant que de la force vitale. Mon pouls, d’ordinaire solide et lent, s’est transformé ce midi en une sorte de bruissement un peu vain, à la fois trop rapide et trop faible. Histoire de réfléchir une fois pour toute, tandis que ma peau perd de son élasticité et se couvre peu à peu d’effrayantes ecchymoses, je rédige une liste ordonnée des tâches qui va me falloir accomplir si je ne souhaite pas terminer ma vie dans cette bourgade indienne insalubre et isolée.

Une fois écrite, je passe en pilote automatique et la déroule étape après étape. Le mental prend le relai, et me fait avancer. Lorsque, laborieusement, je monte les escaliers qui mènent jusqu’à la place du village, les Indiens, si curieux d’habitude, font aujourd’hui mine de ne pas me voir.

Pour une raison que j’ignore, bien qu’elle soit probablement liée au manque d’eau, je remarque pour la première fois lors de l’ascension que mes oreilles sont atteintes, elles aussi. Le monde extérieur semble s’être effacé face aux battements de mon cœur et aux bruits de mes entrailles.

Je suis mal, et presque sourd, désormais. La belle affaire.

Arrivé sur la place principale, à tous les Indiens présents dans ce champ de vision qui se réduit peu à peu, je demande de l’aide. Un docteur. Un hôpital. Une adresse. N’importe quoi. On ne me comprend pas. De tous ceux qui m’entourent, personne ne semble percevoir ni ma détresse, ni l’urgence de la situation. Une nouvelle fois, l’idée de baisser les bras me traverse l’esprit un instant.

Après avoir coupé l’herbe sous le pied de cette pensée corrompue, le mental relève à nouveau mon corps trop léger car vide, et me botte l’arrière-train. Il y a encore des gens qui m’aiment, quelque part. Et j’ai encore des choses à partager avec eux. Les lèvres sèches, assis, au milieu de cette place, je sais que mon salut se trouve dans le sang-froid, la réflexion lucide, et l’aide que tous ces Indiens pourraient m’apporter. J’ai besoin d’eux. Alors, je me calme, respire, et m’efforce de réfléchir posément.

Soudain, une idée semble balayer la brume de mon esprit.

Je me remets en marche. Titube. Me dirige vers l’un de ces restaurateurs dont la nourriture a peut-être entraîné ma chute. Sors mon crayon. Dessine — en noir — l’emblème de la Croix-Rouge, sur la paume de ma main gauche. Lui colle sous le nez. Et contemple son regard, hésitant que je suis entre le plus grand des espoirs et le plus grand désespoir.

J’ai presque envie de l’embrasser quand je réalise que l’on me comprend enfin.

Il m’ordonne de m’asseoir. M’annonce qu’il va chercher de l’aide. Qu’il revient bientôt. De mon côté, je me recroqueville sur un banc de bois, comme hors de moi. Trois minutes plus tard, un autre Indien arrive en moto. On me fait signe de monter à sa suite. Je remercie trente fois le patron de ce stand local, et serre le motard contre moi avec tout ce qu’il me reste de forces.

Nous quittons le village, en direction d’une sorte de petit hôpital gouvernemental, que j’aurais été incapable d’isoler seul. Pendant un quart d’heure, nous roulons à toute blinde. J’ai un mal fou à rester en équilibre sur la puissante moto. Je serre les dents, et tente de tenir le coup, comme je peux. Je remercie cet inconnu des dizaines de fois, alors qu’il me dépose devant l’établissement de soins.

C’est plié en deux par la douleur que je débarque dans le hall, et que je dois partir à la chasse d’un médecin, dans les couloirs du bâtiment. Comme souvent en Inde, on a peur de prendre la responsabilité de s’occuper d’un étranger. Alors, comme souvent en Inde, on fuit. Je supplie l’un des praticiens — qui parle à peine anglais — de me venir en aide. Un bon quart d’heure m’est nécessaire pour lui expliquer ma situation à l’aide de gestes, de dessins, et de mots. Il finit par m’ausculter et par m’annoncer qu’il faut réagir vite car je semble souffrir d’une grave déshydratation. Sans blague.

Et puis, c’est l’enchaînement.

Dans le couloir principal de l’hôpital, une infirmière installe rapidement une sorte de lit, me demande de m’y allonger, m’aide à m’y étaler, m’interdit de bouger et m’apprend que je vais devoir rester un peu ici, avant de s’éclipser et de revenir quelques secondes plus tard, équipée de l’équipement nécessaire à la mise en place d’une perfusion et du monitoring. Je lui demande cinq fois si le matériel est sain. Elle m’assure que oui. Du fin fond de ma torpeur cotonneuse, je la regarde mettre en place la ligne, et vérifier que le liquide issu de la pochette pénètre bien dans mes veines.

Une fois l’installation terminée, je lève les yeux vers son visage, la trouve belle, lui prends la main, la remercie, et, sans m’y attendre, éclate en sanglots.

Enfin, c’est l’idée.

Ce dernier constat finit par mettre mon mental à genoux : je manque tellement d’eau que je n’ai plus de larmes. Trois gouttes coulent laborieusement sur mes joues et ont un mal fou à y progresser. Il y a dans ces quelques perles un mélange de gratitude, d’épuisement physique et mental, de solitude, de lâcher-prise et de joie.

Désormais, on s’occupe de moi. J’ai le sentiment d’être extrêmement vulnérable, isolé, fragile, mais sauvé. Pour la première fois depuis de trop nombreuses heures, mon état général devrait enfin cesser de se dégrader. Elle baisse les yeux vers moi, me dit que ma réaction est normale, me rassure, me promet que tout ira bien désormais. Je réalise alors qu’elle parle bien mieux anglais que le médecin qui m’a pris en charge à mon arrivée. Cette présence féminine déchire le triste sentiment d’isolement que je ressens, et me fait un bien fou.

Je reste des heures allongé sur cette espèce de lit. J’observe ce qui m’entoure. Sur les murs, pas un seul mot d’anglais. En face de moi, trois patients souffrent du paludisme. Je me dis que j’ai l’air d’un bien piètre guerrier avec ma diarrhée. Je pense aux gens que j’aime. Me demande ce qu’ils font, là, maintenant. Régulièrement, on vient m’ausculter et remplacer la pochette de la perfusion en me répétant que j’avais effectivement perdu beaucoup de liquide. Je regarde les gouttes qui défilent. Un peu anxieux, me demande ce que l’on m’administre.

Alors que je pensais que la déshydratation ne pouvait concerner que les enfants ou les vieillards, je suis redevenu fœtus, quelque part. En contemplant l’installation qui m’injecte ce je-ne-sais-quoi dans les veines, je me dis que je préfère cent fois l’opération inverse, et donner mon sang. N’empêche qu’en quelques heures, mes lèvres retrouvent leur souplesse, et mon esprit sa vivacité. J’ai l’impression d’être une de ces fleurs du désert, qui semble ressusciter en se déployant à l’arrivée de la pluie. La grâce en moins.

Au cours de ce long après-midi, de nombreux Indiens, intrigués par ma présence, défilent et me questionnent. Me fatiguent. Jusque dans le dernier des hôpitaux de campagne, la quiétude a été anéantie, dans ce pays. Je ne veux pas les calculer. Pas aujourd’hui. Afin de ne pas avoir à répondre encore et toujours que je ne suis pas marié, que je viens de France, et que j’aime le paneer, je ferme les yeux.

Et serre les fesses, il est vrai.

Le soir, je ne veux pas rester en ce lieu qui m’étouffe, attaché à des machines. Le médecin refuse tout d’abord de me laisser partir, puis, après m’avoir ausculté à nouveau, accepte finalement. À condition que je revienne si mon état venait à empirer durant la nuit.

En sortant, j’ai l’impression de devoir réapprendre à marcher. Fort de mes premiers pas, j’achète deux bouteilles. Avec, à l’intérieur, de l’eau. Je la contemple de longues minutes, avant de la savourer.

Je ne l’ai jamais trouvée si belle.

L’étranger, le retour

Jeudi 13 mars 2014. Bhopal. Madhya Pradesh.

Bhopal. Théâtre — il y a bientôt trente ans — de la plus lourde catastrophe industrielle de toute l’histoire de l’humanité. Appréhender au mieux ce triste événement en en arpentant le tout aussi triste décor est la seule raison pour laquelle j’ai décidé la veille de faire étape dans la capitale du Madhya Pradesh.

À peine ai-je déposé un pied dans cette ville que je me sens déjà l’envie de la quitter. Bien que je ne parvienne pas à le définir ou l’isoler, quelque chose de malsain persiste, ici.

Rapidement, je localise bon nombre d’établissements dans le quartier de la gare. J’éprouve pourtant des difficultés à trouver un toit pour la nuit. De porte en porte, on m’annonce que plus un seul lit n’est disponible. De porte en porte, on tente de me rediriger vers des hôtels luxueux, aux tarifs que je n’envisagerais même pas pour une nuit d’amour à Moskva. De porte en porte, on me ment.

L’Inde du Sud et son hospitalité me manquent.

En attendant, plutôt que de m’apitoyer sur mon sort, je veux comprendre. À l’un des gérants, je demande pourquoi il m’annonce que son hôtel affiche complet, alors que nous savons lui et moi que cela n’est pas le cas. Il botte en touche. Fuit. À l’indienne. J’insiste. Calmement. Le regard franc, je lui fais comprendre que je veux juste savoir pourquoi.

Il finit par m’avouer que de nombreux lits ridiculement bon marché sont effectivement disponibles derrière la porte que je vois se dessiner au fond du hall. Mais que je suis étranger. Et qu’il lui faudrait, pour m’accepter, posséder une licence délivrée par le gouvernement indien, onéreuse, et qui lui fait défaut. En outre, la procédure officielle impliquerait de transmettre mes coordonnées à la police locale, suite à mon départ. En bref, il ne souhaite pas s’embarrasser de toutes ces formalités et c’est pourquoi il m’a menti.

Il rajoute : As-tu entendu parler de l’attentat de 2005 à New Delhi ? Des sept attaques de Mumbai en 2006 ? De l’explosion sur la ligne du Samjhauta Express en 2007 ? Des attaques de 2008, toujours à Mumbai ? Et de l’attentat de 2011, encore une fois dans la capitale du Maharashtra ?

Face au comptoir, je l’écoute me parler de l’histoire récente de son pays, effaré.

Il me rappelle aussi que l’immense majorité des Indiens considèrent que les occidentaux se doivent de payer, pour tout produit ou service, des montants largement supérieurs à ceux pratiqués à l’égard des locaux.

Pour la première fois, de son côté, il comprend que pour un voyageur qui souhaite s’immerger au maximum dans la culture de son pays d’accueil, la différence de traitement est un obstacle majeur. Pour la première fois, de mon côté, je comprends que si l’Inde a tendance à mettre des bâtons administratifs dans les roues des étrangers, c’est en partie parce que la peur du terrorisme est bien plus présente que je ne le pensais, au pays de Gandhi.

Et ce sont deux citoyens du monde qui se saluent d’une poignée de main ferme, avant que je ne quitte les lieux et me dirige, sur ses conseils, en direction de l’un des seuls établissements abordables de la ville, à accepter les porteurs de passeports étrangers.

Humain, après tout

Dimanche 16 mars 2014. Bus de nuit entre Bhopal et Tikamgarh. Madhya Pradesh.

À moitié nu. Crasseux. Imbibé, et totalement stone. Un vrai répulsif sur pattes débarque dans l’atmosphère déjà méphitique de ce bus de nuit. Le véhicule est cinq fois plein, et ce jeune Indien perdu tente de s’y faire une place. En vain. Il se fait rejeter à chaque fois. Souvent violemment.

Seul blanc du comité, je l’observe en silence, de loin. Il me repère. Finit par venir s’asseoir dans le couloir, à même le sol, contre ma cuisse gauche. Le contact avec ses cheveux gras m’horripile. Sa présence m’est insupportable et m’incommode. La frustration tente de trouver son chemin à l’intérieur de moi. Immédiatement, je lui oppose les flots de la compassion. J’ignore comment réagir, toutefois. Je médite sur cette situation.

Peu à peu, je comprends que — grâce à ma couleur de peau, ma barbe, et mon origine — je suis en fait son seul refuge. Aucun autre Indien n’osera lever la main sur lui tant qu’il sera à mes côtés, par crainte de mon éventuelle réaction. Je n’éprouve aucune pitié pour cet individu visiblement au fond du gouffre. Je ne me sens nullement supérieur à lui, et sûrement pas investi d’une mission pour le sauver.

Soudain, alors que je l’observe depuis quelques minutes, une porte s’enfonce dans mon esprit, et je vois au-delà du masque. Je vois l’homme, je vois la vie, je vois une forme de beauté, derrière l’illusion. Cet être désolé mais animé possède lui aussi son histoire, ses joies, ses peines. Je comprends soudain que si certains sont humains, avant tout, d’autres sont humains, après tout.

Ils n’en sont pas moins Hommes.

L’étranger, la résurrection

Lundi 17 mars 2014. Tikamgarh. Madhya Pradesh.

Assis dans cette gare vide suite à un enchaînement invraisemblable d’événements, je patiente depuis quelques heures déjà, dans l’attente du seul train de la journée, qui devrait me permettre de quitter Tikamgarh.

Peu à peu, les Indiens envahissent l’espace. Peu à peu, le calme laisse place aux clameurs. Le silence aux questions. La douceur du lever du soleil aux flashs des photographies. Tous veulent savoir qui je suis, d’où je viens, où je vais. En Inde, il m’est impossible de rester seul dans un lieu public plus de quatre minutes. Cette sensation perpétuelle de promiscuité et le flot de sollicitations qui en découle m’épuisent. À chaque instant, tous ces Indiens — souvent très sympathiques, au demeurant — me rappellent malgré eux que je suis l’étranger, et m’étouffent.

En vérité, je vous le dis : la vraie liberté est dans l’ombre de la foule.

Nous étions 39

Lundi 17 mars 2014. Train entre Tikamgarh et Jhansi. Madhya Pradesh/Uttar Pradesh.

Si l’on excepte les poules, les mouches et autres moutons, nous sommes 37 dans ce compartiment dont je dirais qu’il a été pensé pour 8.

Je le sais. J’y suis. J’ai compté. Trois fois.

Peu avant l’arrivée à Jhansi, quatre pieds non identifiés semblent pourtant jaillir de nulle part, et se mettent à pendre juste en face de mon visage. Ce que j’avais initialement pris pour une vieille couverture, sur le porte-bagages qui me surplombe, était en fait le produit improbable du mélange des corps de deux Indiens contorsionnistes, qui ont passé tout le trajet pliés en quatre. Au sens propre du terme.

Je recompte les pieds qui pendouillent, divise par deux, ajoute le résultat à la somme obtenue au départ.

Nous étions 39.

Le havre de paix

Mardi 18 mars 2014. Orchha. Madhya Pradesh.

Certains passent une vie de recherche sans parvenir à un tel résultat.

Au cœur de l’île qui se déploie au sud du village, je tombe par hasard sur l’un de ces rares lieux de l’Inde où l’on peut encore entendre l’eau couler et les oiseaux chanter, sans que ces sons délicats et rares ne soient altérés par le cri perçant des klaxons ou le rugissement rauque du tigre.

Deux mois déjà que je n’ai pas plongé mon ouïe dans le silence. Nuits comprises. Sensation particulière et intense de remise au diapason.

Je passe des heures entières à lire au bord de la rivière et à me construire une carte mentale de l’îlot à l’aide du nombre de mes pas, de l’heure, et de la position du soleil, en arpentant la forêt.

Tel un intrus, au milieu des singes, des daims et des serpents, je viens de découvrir un havre de paix, lorsque je ne l’attendais plus.

Crémations

Jeudi 27 mars 2014. Varanasi. Uttar Pradesh.

À ma gauche, Pili. À ma droite, Sam. Les amis espagnols ont quitté quelque temps leur très chère Ibiza pour plonger dans la frénésie indienne. Après une dizaine de jours à voyager ensemble, notre aventure nous a menés ce soir sur les marches du Manikarnika Ghat de Varanasi. Où nous nous sommes assis.

La nuit tombe, et met en valeur des flammes rougeoyantes. Celles-là même qui consomment et consument quotidiennement la chair, les cheveux et les os de dizaines d’hindous. Face à nous, le fleuve sacré du Gange. Sur ses rives, à quelques mètres, cinq corps. Humains. Allongés. Vêtus de blanc, de rouge, ou d’orangé.

Morts.

J’ai vu d’autres cadavres au cours de mon existence, parfois jusqu’au traumatisme. Pour autant, les conditions particulières qui nous entourent ce soir de mars 2014 font que je n’éprouve pas le moindre sentiment de rejet face à ces enveloppes désespérément vides. Varanasi pue la mort au moins autant qu’elle explose de vie, tout comme elle déborde d’immondices au moins autant qu’elle rayonne de pureté.

C’est entourés d’hindous que nous assistons ce soir à une forme particulière de naissance : celle de la fin d’une vie.

Tandis que les hommes s’appliquent à mener leurs rituels ancestraux auprès de celle ou celui qui était encore une ou un proche en mouvements il y a peu, des parias évaluent et pèsent dans notre dos les quantités et types de bois nécessaires à la crémation des corps. Sans être savants, les calculs sont précis. Brûler des corps au bord du Gange est un business. Il convient de maintenir le niveau de rentabilité de la chose.

J’observe que de nombreuses variables rentrent en ligne de compte, parmi lesquelles : le poids du macchabée, son genre, et les moyens de ses proches. Les brasiers allumés et les corps déjà à demi calcinés, on constate bien vite, en effet, que la combustion est plus rapide et plus efficace lorsque la famille a les moyens de s’offrir du bois et des onguents de qualité.

Et si les plus pauvres apportent bien souvent de petits sacs de toile avec eux, c’est qu’ils ont depuis longtemps admis l’idée qu’il leur faudra parfois récupérer en fin de cérémonie une main, un bassin, ou même des pieds, avant de les confier aux eaux sacrées.

Ils peuvent toutefois compter sur l’habilité de ces intouchables, qui, quelle que soit la quantité de bois dont ils disposent, feront de leur mieux pour optimiser la combustion. À force de s’occuper de la bonne gestion des brasiers, ils sont peu à peu passés maîtres dans l’art de faire disparaître un corps. Leurs techniques sont simples et intuitives, bien que violentes et un tantinet radicales : armés de bambous, ils fracassent les crânes, les cages thoraciques des hommes, les enveloppes osseuses de la matrice des femmes, et s’évertuent à ramener sans cesse les morceaux de corps éparpillés, au centre du foyer.

Ils dissimuleraient le corps de Rambo avec trois Kaplas.

Par la magie du feu et du travail de ces artisans, en quelques heures, le bois et les corps sont plus ou moins réduits à des tas de cendres, dans lesquels on n’oubliera pas de revenir piocher les dents en or ou les bijoux oubliés, tout en donnant au passage une bonne rouste à tous ces chiens chercheurs d’os un peu trop audacieux, qui semblent hanter les lieux.

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme., disait Lavoisier. Il aurait sans doute apprécié Varanasi, et ce spectacle du cycle souvent ininterrompu de la mort et de la vie, dont elle vous sature à chaque seconde les sens, le cœur, et l’esprit.

« Regard Fixe »

Lundi 1er avril 2014. Bus de nuit entre Varanasi et Sunauli. Uttar Pradesh.

Pas encore monté, déjà baptisé. Tu seras « Regard Fixe », mon fils !

Lorsqu’il vient s’asseoir à mon niveau, de l’autre côté du couloir, je me dis que je n’aurais pas pu mieux le nommer. Je vis en Inde mes derniers instants. Alors que je contemple la nuit qui défile et que je médite sur tout le chemin parcouru depuis la lointaine Chennai et le Tamil Nadu, je sens le poids de ses yeux écarquillés fixés sur mon profil droit.

Sans ciller ni mot dire, il m’observe, depuis de longues minutes, déjà. Le corps tourné vers l’extérieur, le visage pointé vers moi. Cet Indien me met mal à l’aise. Un véritable hibou.

Pour la gloire, je décide d’engager un combat sans merci. Cligne trois fois des yeux. Le fixe à mon tour. Et perd lamentablement la lutte, tant l’atmosphère est poussiéreuse.

Je crois que cet homme n’a pas de paupières. Au moment où j’en arrive presque à la conclusion qu’il n’a vraisemblablement pas de langue non plus, il prononce quelques mots : Tu es… D’autres suivent, mais le reste m’est tout simplement incompréhensible.

Des heures durant, il tente de me faire comprendre quelque chose que je ne saisis pas, et fait boucler son sample toutes les trois minutes. J’envisage un instant la possibilité que cet homme soit une réincarnation du coq maléfique de Hampi, avant de réaliser qu’il est peut-être finalement la plus belle allégorie du territoire que je viens de traverser : un pays mystérieux, étrange, fatigant, magnétique, surprenant, fascinant, qui nous observe, nous malmène, tantôt nous fait rire, tantôt nous donne l’envie de pleurer, dans lequel on ne comprend pas toujours tout, et vers lequel on ne peut s’empêcher de se retourner, pourtant...

Allez, namaste India ! Et sûrement, à la prochaine fois.

Déjà 3 traces de pas sur ce bout de piste :

1. djibey, le 23 mai 2014 à 23:32

Merci de continuer à nous faire une petite place à tes cotés :)

2. Neovov, le 26 mai 2014 à 02:38

Si loin et pourtant tu es à nos côtés, dans nos pensées.
Lire tes aventures nous rapproche.
Merci.

3. Audesou, le 3 juin 2014 à 03:00

@djibey, Neovov : Merci à vous d’être toujours là, les amis.

Vous aussi, laissez vos traces sur la piste...